La croissance devrait être robuste malgré les vents contraires
Malgré un contexte mondial morose, la croissance de l'Indonésie devrait être robuste en 2023. L'économie continuera de bénéficier de la reprise de la consommation privée (56 % du PIB) qui a suivi la levée progressive des mesures liées au Covid et la réouverture au tourisme international en 2022. Par conséquent, les services liés au tourisme, notamment la restauration, l'hôtellerie et les transports, se développeront particulièrement. La reprise sera favorisée par l'amélioration du marché du travail, avec un taux de chômage de 5,9 % au troisième trimestre 2022, en baisse par rapport au taux de 7,1 % affiché au même trimestre en 2020. Même si elle devrait rester élevée en 2023, en raison de la hausse des prix des carburants mise en œuvre en septembre 2022 et de la reprise économique, les consommateurs continueraient également à bénéficier d'une inflation raisonnable. Cela dit, face à la dépréciation de la roupie indonésienne par rapport au dollar américain et à la hausse de l'inflation globale et de l'inflation sous-jacente, la Banque d'Indonésie a commencé à resserrer sa politique monétaire en août 2022. À la fin du mois de janvier 2023, elle avait relevé son taux directeur de 225 points de base en cumulé. Le durcissement des conditions monétaires devrait peser sur la demande des ménages. L'investissement privé en serait également affecté. Par ailleurs, une loi, votée en décembre 2022, permet à la banque centrale d'acheter des obligations d'État sur le marché primaire en période de crise économique, donc de financer la dette publique. Cela pourrait susciter des inquiétudes chez les investisseurs car cela atténue l'indépendance de la banque centrale.
Néanmoins, la poursuite de la reprise économique et l'entrée en vigueur attendue de la loi Omnibus, qui prévoit la déréglementation en matière d'investissement étranger et des réformes du travail, devraient stimuler l'investissement privé. L'investissement public, lui, sera soutenu par des projets d'infrastructure, notamment dans les transports, le numérique et la construction de la nouvelle capitale. La reprise du tourisme et le prix élevé des matières premières - le pays étant un exportateur net d'huile de palme, de charbon et de gaz, entre autres – devrait soutenir les exportations (23 % du PIB). Néanmoins, elles progresseront à un rythme plus lent dans un contexte de demande mondiale en berne. De plus, les performances à l'exportation restent menacées par la mise en œuvre de nouvelles restrictions à l'exportation ou de restrictions plus strictes. Afin de freiner la hausse des prix, le gouvernement a utilisé de telles mesures pour l'huile de palme en 2022 et 2023, les exportateurs d'huile de palme étant autorisés à expédier six fois le volume de leurs ventes intérieures à partir du 1er janvier 2023, contre huit auparavant. Parallèlement, une interdiction de la bauxite devrait entrer en vigueur en juin 2023, cette fois afin de renforcer la transformation locale.
La politique budgétaire restera prudente
Le déficit budgétaire a diminué à 2,4 % du PIB en 2022, soit nettement moins que prévu initialement, grâce à la réouverture du pays et à la flambée des prix des matières premières. Dans un effort d'assainissement budgétaire, et dans le but de ramener le déficit public en dessous de 3 % du PIB, le gouvernement a annoncé une réduction des dépenses pour 2023. Les dépenses publiques se concentreront sur l'amélioration des perspectives de croissance à long terme grâce à l'éducation (20 % des dépenses totales), et sur l'éradication de la pauvreté et des inégalités (16 %). Cependant, la normalisation des prix des matières premières et le ralentissement de la croissance du PIB pèseront sur les recettes, entraînant une augmentation du déficit public.
Après le léger excédent des deux années précédentes, nous nous attendons à ce que le compte courant redevienne légèrement déficitaire en 2023. L'excédent commercial se réduira par rapport au record atteint en 2022, en raison de la normalisation des prix des matières premières et du ralentissement économique mondial. Parallèlement, les recettes du tourisme contribueront à réduire le déficit des services. Celui de la balance des revenus primaires, qui contribue le plus au déficit courant, devrait toutefois se creuser, alimenté par l'augmentation des rapatriements de bénéfices suite à l'accélération de la croissance du PIB en 2022 et par la hausse des paiements des intérêts de la dette. Les investissements, notamment des IDE, devraient couvrir le déficit. Les réserves de change devraient donc rester suffisantes, s'établissant à 6 mois d'importations (en décembre 2022).
La fin de la présidence de Jokowi se profile
Le président Jokowi a été réélu pour un second mandat de cinq ans en avril 2019. Sa coalition législative et gouvernementale - centrée autour du Parti démocratique indonésien de la lutte (PDIP), créé à l'origine à partir de groupes nationalistes et de partis d'inspiration chrétienne - contrôle plus de 80 % (471 sièges sur 575) de la chambre basse (Dewan Perwakilan Rakyat). Sa popularité parmi la population reste élevée et a augmenté. Un sondage réalisé au début de l'année 2023 a montré que le taux d'approbation atteignait le niveau record de 76,2 %. Le PDIP devra toutefois trouver un autre leader avant les élections de 2024, car la constitution indonésienne ne permet pas au président de briguer un troisième mandat. Dans le même temps, certains des partis de la coalition devraient annoncer leurs propres candidats, ce qui pourrait ébranler la dernière année du gouvernement. Sur le front extérieur, l'Indonésie a conservé sa neutralité face à la guerre Ukraine-Russie. Après avoir accueilli la réunion du G20 en octobre 2022, l'Indonésie aura un rôle central au niveau régional avec la présidence de l'ASEAN en 2023.