Croissance tirée par le pétrole mais handicapée par la réouverture partielle de la frontière avec le Bénin
Après la performance exceptionnelle de 2024 liée à la levée des sanctions imposées par le voisinage, suite au coup d’Etat, à la reprise des exportations pétrolières via le pipeline transfrontalier avec le Bénin et à la récolte agricole soutenue, la croissance ralentit en 2025. L’activité reste toutefois tirée par l’expansion du secteur pétrolier, se rapprochant de sa capacité maximale d’environ 110 000 barils/jour. Sa contribution est sensible à l’évolution des cours du brut et à la sécurisation de l’oléoduc, renforcée par l’accord-cadre de janvier avec la West African Oil Pipeline Company, l’acteur chinois qui exploite l’oléoduc. La mise en service, par le gouvernement, en partenariat avec le groupe canadien Zimar, fin 2025, d’une méga-raffinerie permettra de valoriser localement le pétrole exporté et de réduire la dépendance aux produits importés à partir de 2026. La performance des autres secteurs dépendra de la réouverture de la frontière avec le Bénin et du rétablissement des chaînes logistiques transfrontalières. Les exportations d’uranium (20% des exportations en 2023) sont gelées en l’absence d’un accord diplomatique avec le Bénin ou de corridors alternatifs. Néanmoins, la société canadienne Global Atomic anticipe un démarrage de la production de la mine de Dasa en 2026, en empruntant des routes via l’Algérie, le Nigeria ou le corridor Burkina Faso-Togo. La Société des Mines d’Azelik (Somina), fermée depuis 2014 en raison de la chute des cours, doit reprendre ses activités. Parallèlement, la nationalisation de la Société des Mines de l’Aïr, pour l’instant unique producteur d’uranium, contrôlé à 63,4% par la société publique française Orano (le reste l’étant par l’Etat nigérien), s’inscrit dans la volonté de percevoir une part plus importante des recettes minières. Cette décision fait suite à la suspension des exportations d’Orano en juillet 2023 (fermeture de la frontière avec le Bénin suite au coup d’Etat), puis la perte du contrôle opérationnel de la société en décembre 2024. La junte accuse Orano d'avoir violé le pacte d'actionnaire en exportant plus d'uranium que ne le permet sa participation et d’avoir arrêté l’exploitation depuis juillet 2023, comportement attribué au fait que cette société est détenue par l’Etat français, «un Etat ouvertement hostile au Niger » . Dans le même esprit, des permis d’exploitation du cuivre et du lithium ont été attribués à la Compagnie Minière de l’Air, société nationale, afin de diversifier la production minière. Enfin, la coentreprise Royal Gold Niger, lancée en avril 2025 avec l’émirati Suvarna Royal Gold Trading LLC, installera un complexe industriel intégrant raffinerie, atelier de bijoux et centre de taille-polissage de l’or.
Le secteur agricole (40 % du PIB et 80 % de l’emploi) restera le principal moteur de croissance, grâce à des conditions météorologiques favorables. Soutenu par la Banque mondiale via le Programme Grande Irrigation, le parc irrigué doit passer de 18 000 à 39 700 hectares d’ici 2027, ce qui réduira la vulnérabilité aux chocs climatiques et stabilisera rendements et volumes. Par ailleurs, l’État prévoit de mobiliser près de USD 968 millions pour recapitaliser la Banque de l’Agriculture et stimuler l’investissement productif. Le secteur de la construction bénéficie d’importants chantiers énergétiques : le barrage hydroélectrique de Kandadji, mis en œuvre par la société China Gezhouba Group, une future centrale thermique de 40 MW financée par l’Algérie et le renforcement de l’interconnexion électrique WAPP-Dorsale Nord. La Banque mondiale a également accordé plusieurs prêts visant la modernisation du réseau routier, notamment sur le corridor Zinder–Agadez.
Les tensions inflationnistes ont culminé en juin 2024, portées par la hausse des prix alimentaires liée au déficit céréalier de 2023 et à la fermeture des frontières avec le Nigeria et le Bénin. Depuis, l’inflation décroît et devrait continuer à baisser d’ici la fin de l’année grâce à une saison agricole favorable. Une prolongation de la fermeture frontalière ou une détérioration des relations avec le Bénin pourrait toutefois inverser cette tendance. Profitant de la décrue des prix au niveau régional, la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest a abaissé son taux directeur de 3,50 % à 3,25 % début juin 2025. Malgré ce soutien monétaire, l’investissement privé reste pénalisé par l’incertitude politique et sécuritaire, l’offre de crédit réduite, due à la baisse des dépôts, la fermeture des frontières et l’accumulation d’arriérés publics, ainsi qu’un risque d’expropriation élevé pour les sociétés minières occidentales.
Réduction des déficits jumeaux grâce aux recettes pétrolières
Le déficit budgétaire s’est réduit, en 2024, par la compression des dépenses, face à la baisse des recettes fiscales et de l’aide internationale, ainsi qu’au resserrement des conditions de financement. Le budget 2025, établi à USD 5 milliards (+ 4,13 %), s’inscrit dans le cadre du programme assainissement budgétaire appuyé par le FMI. Les mesures prévues incluent la numérisation et l’interconnexion des services fiscaux, la suppression d’exonérations, l’extension de la TVA au commerce électronique, le relèvement de la fiscalité des sociétés non-résidentes et l’augmentation de l’impôt sur les revenus fonciers. Mais la progression des recettes s’appuie principalement sur l’augmentation de la production et des exportations pétrolières, ainsi qu’un renforcement du contrôle des ressources minières (uranium, or). Un fonds de stabilisation en projet visera à atténuer l’impact des variations des cours du pétrole. Les recettes non liées aux hydrocarbures s’amplifieront, si les échanges transfrontaliers se normalisent. L’assainissement budgétaire repose essentiellement sur la hausse des recettes, les dépenses courantes et d’investissement ayant déjà été drastiquement réduites depuis 2023 pour préserver la masse salariale et renforcer les crédits consacrés à la sécurité. En outre, l’engagement à apurer les arriérés de la dette, d’ici à fin 2025, contraint les marges de manœuvre fiscales.
Le besoin de financement pour 2025 devrait être couvert. Le financement extérieur augmente légèrement, avec des lignes de crédit de la Banque africaine de développement et de la Banque mondiale, dans le sillage de la reprise des programmes du FMI en juillet 2024 et de leur prolongation jusqu’à fin décembre 2025, tout en restant nettement inférieur au niveau d'avant le coup de juillet 2023. Le déficit budgétaire enregistré en 2024, et la baisse des recettes, combinés à l’accumulation des arriérés, ont conduit le FMI et la Banque mondiale à qualifier le risque de surendettement global et extérieur d’« élevé ». Parallèlement, le profil de la dette publique présente un risque de refinancement renforcé par le recours massif aux emprunts de courte maturité, un taux de souscription en baisse et la dépendance accrue aux investisseurs domestiques.
Le déficit du compte courant devrait diminuer, grâce à la hausse des exportations pétrolières. La nationalisation d’entreprises extractives étrangères et le contrôle des salaires des travailleurs étrangers réduisent les sorties nettes au titre des revenus primaires, tandis que les transferts des expatriés restent dynamiques. Au niveau de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, l’amélioration des comptes courants, conjuguée à l’afflux accru d’investissements étrangers, maintiennent des réserves de change communes confortables, équivalentes à 4,7 mois d’importations fin 2024.
Risque sécuritaire accru et rejet des partenaires historiques
Le 26 juillet 2023, des militaires de la garde présidentielle ont renversé le président Mohamed Bazoum, élu démocratiquement en février 2021, alléguant d’une mauvaise gouvernance économique et sociale, et d’une dégradation de la situation sécuritaire. Ralliés par d’autres composantes des forces armées, les putschistes ont créé le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) avec à sa tête Adourahamane Tiani, président autoproclamé. Le 26 mars 2025, à l’issue des assises nationales de février, une nouvelle charte de transition est entrée en vigueur et le général Tiani a prêté serment en tant que président. Elle fixe à cinq ans la période transitoire avant des élections en 2030, prorogeable en cas de risques sécuritaires ou de retards dans les réformes. Cette charte a également dissous les 172 partis politiques existants, en attendant un nouveau cadre régulant leur nombre et leurs activités. Le régime continue de bénéficier d’un soutien populaire relatif, de l’appui des juntes voisines et de bonnes performances économiques.
Mais la junte doit aussi faire avec un fort risque sécuritaire, lié à l’insurrection jihadiste en provenance du Burkina Faso et du Mali. Depuis le renvoi des forces occidentales de la région, le Niger, le Mali et le Burkina Faso renforcent leur coopération sécuritaire, avec la mise sur pied d’une force conjointe de 5000 hommes. Le rapprochement avec la Russie, matérialisé par le déploiement de forces paramilitaires (Africa Corps), procure un soutien extérieur alternatif. La zone du lac Tchad est également sensible, en raison de la présence de Boko Haram et de l'État islamique en Afrique de l'Ouest. Le président continue de justifier la fermeture des franchissements routiers du fleuve Niger, frontière naturelle avec le Bénin, en l’accusant de fomenter des projets de déstabilisation et de continuer d’héberger des bases militaires françaises. Parallèlement, le Niger, le Mali et le Burkina Faso ont créé, en juillet 2024, la Confédération des États du Sahel, après l’annonce de leur retrait de la CEDEAO en janvier 2024. Les relations avec l’Occident, et tout particulièrement la France, restent très tendues, et le pays continuera de renforcer ses partenariats avec d’autres États.