Une croissance résiliente mais qui souligne un redressement tributaire des États-Unis
La croissance hondurienne a ralenti en 2023, en raison d’une modération de la croissance de la consommation privée, dans le sillage des remises d’expatriés, et des exportations. En 2024, l’activité économique devrait légèrement se redresser, mais sera freinée par certains facteurs ayant déjà pesé en 2023. Elle sera principalement soutenue par la consommation privée, compte tenu de la hausse du pouvoir d’achat des ménages liée à la désinflation. La consommation privée sera également tirée par la croissance des remises d’expatriés, mais le ralentissement économique attendu aux États-Unis devrait en limiter la croissance (qui représentent 90% du total des remises). La modération de l’activité américaine devrait également peser sur les exportations (48% du total). De plus, de possibles épisodes de sécheresses causés par El Niño pourraient représenter une menace pour les exportations de produits agricoles (café, bananes, crevettes, huile de palme), qui correspondent à plus de la moitié des exportations totales. En revanche, des avancées dans des projets d’infrastructure, stimulé par le Programme d’Investissement Public (PIP) 2024 de l’administration Castro, donnera de l’allant aux dépenses en capital. La consommation publique augmentera la fourniture de services sociaux par le biais de dépenses accrues en matière d'éducation, de soins de santé et de couverture de la sécurité sociale. L’inflation continuera sa décélération entamée depuis février 2023, mais pourrait rester au-dessus de la fourchette de tolérance fixée par la Banque Centrale du Honduras (BCH, 4,0 % ±1,0 pp). Des pressions inflationnistes persisteront, notamment en raison de la volatilité des prix des denrées alimentaires et d’une probable contribution plus élevée des prix de l’énergie.
Des déficits jumeaux et une restauration de la stabilité macroéconomique en perspective
En 2023, le déficit commercial plus élevé et la baisse des remises d’expatriés ont creusé le déficit courant. Ce dernier restera largement déficitaire en 2024, bien qu’il devrait légèrement s’atténuer. La balance commerciale demeura déficitaire, grevé par les importations d’énergie. La croissance des exportations restera tirée par la demande américaine (modérée en 2024) de produits manufacturés (vêtements et textiles) et par les exportations de produits de base tels que le café, tandis que le rapprochement diplomatique avec la Chine pourrait soutenir la demande d’exportations en provenance de ce pays. La reprise du tourisme réduira légèrement le déficit des services, mais elle demeurera limitée par l’insécurité persistante. La croissance des remises d’expatriés (27,8% du PIB en juillet 2023) continuera d’être freinée par l’activité limitée attendue aux États-Unis, se répercutant sur le très large excédent du compte des transferts. Les financements multilatéraux et les flux d’IDE (3,4% du PIB en 2022), en particulier dans l’industrie du textile et de l’habillement, solderont le déficit courant. Les réserves de change (5 mois d’importations pour 2023 et 2024) devraient être suffisantes pour maintenir la parité glissante du Lempira face à l’USD.
La balance budgétaire restera également déficitaire, mais se réduira. Les mesures intégrées dans le budget 2024 prévoient des mesures de soutien aux ménages, par le biais de transferts et de subventions. Pour libérer de l’espace budgétaire afin d’exécuter le PIP 2024, une réduction des subventions au secteur de l'énergie a été adoptée. De plus, un projet de réforme fiscale, bloqué au Congrès par l’opposition, viserait à réduire de nombreuses exonérations de l’impôt sur le revenu, et réduirait ainsi les dépenses fiscales. Le programme de développement et économique de la présidente, soutenu financièrement par le FMI (facilité de crédit et mécanisme élargi de crédit de 822 millions de USD sur 3 ans), prévoit une restructuration de la dette publique afin de réduire les coûts du service de la dette, et la création d’une marge de manœuvre budgétaire. Principalement extérieur (54 % du stock de dette publique en 2022), sous forme de prêts et d’obligations souveraines (respectivement 84,4% et 15,6% en 2023), l’endettement demeurera majoritairement concessionnel et soutenable à court-terme. L’accord avec le FMI améliorera l’accès aux sources de financement multilatérales, correspondant à 71,5% de la dette publique en 2023.
Réorganisation de l’opposition et rapprochement avec la Chine
En novembre 2021 et avec plus de 50% des votes, Xiamaro Castro du parti Libre de gauche a été élue présidente du Honduras, mettant fin à douze années de pouvoir du parti National (PN) de centre droit. Jusqu’en octobre 2022, le parti Libre et le Partido Salvador (PSH) représenté par Salvador Nasralla étaient alliés en contrepartie de la vice-présidence et de la présidence de Luis Redondo (PSH) au Congrès national. Cependant, en janvier 2022, une crise parlementaire liée aux élections simultanées et controversées de deux présidents du Congrès (Jorge Cálix du parti Libre et L. Redondo), a provoqué l’effondrement de l’alliance. La légitimité de l’élection de L. Redondo a finalement été reconnue, mais a toutefois laissé le gouvernement de X.Castro en situation de minorité (50 sièges sur 128 au Congrès). Par ailleurs, le contexte d’insécurité persistante et l’incapacité du gouvernement à l’endiguer, a mené à des recompositions politiques. L’affrontement entre des bandes rivales en juin 2023, planifié par des maras au sein d’une prison pour femmes, a entraîné une prolongation de l’état d’exception dans les zones où ces groupes sont actifs. En août 2023, les partis d’opposition ont fondé une nouvelle coalition (le Bloc d’Opposition Citoyenne – BOC) représentée par S. Nasralla. Elle regroupe plusieurs acteurs de la société civile et partis politiques, dont le PN, la principale force d'opposition au Congrès avec 49 sièges, ainsi que l'Alliance Patriotique et le parti Libéral.
Sur le plan de la politique étrangère, le Honduras a rompu ses liens diplomatiques avec Taïwan pour établir des relations diplomatiques et économiques avec la Chine. Bien que les relations bilatérales entre le Honduras et les États-Unis puissent être impactées en raison du changement de politique vis-à-vis de Taïwan, la relation entre les deux pays restent cruciales. La coopération pour endiguer les flux d’immigration illégale vers les Etats-Unis devrait se poursuivre. En outre, il demeure son principal partenaire commercial et la première source de remises d’expatriés.