Une croissance timide mais un horizon économique favorable avec le mégaprojet d’infrastructures hydrauliques
La croissance économique du Lesotho, pays enclavé dans le territoire sud-africain, sera positive mais faible en 2024. Elle sera notamment soutenue par la poursuite de la seconde phase du projet d’hydroélectricité Lesotho Highlands Water Project (LHWP-II), qui consiste à assurer l’acheminement d’eau vers l’Afrique du Sud et à stimuler le développement économique du Lesotho par l’amélioration des infrastructures et l’exploitation du potentiel de production hydroélectrique. L’investissement public représentera environ 12% du PIB. En outre, le rebond attendu du prix du diamant brut sur le marché mondial en 2024 soutiendra la reprise de la production et des exportations. En 2024, le secteur agricole devrait encore souffrir des conséquences d’El Niño sur la production. Quant au textile, une baisse de la demande des Etats-Unis détériore les perspectives de croissance. Compte tenu de la dépendance électrique du Lesotho envers l’Afrique du Sud, les pénuries d’électricité prolongées sud-africaines représentent un risque perpétuel pour les activités extractives et manufacturières. Le reflux des prix mondiaux de l’énergie et de l’alimentaire a permis une atténuation plus importante que prévu des pressions inflationnistes. La politique monétaire de la Banque Centrale du Lesotho, alignée avec les décisions de son homologue sud-africaine, demeure restrictive début 2024, mais un desserrage de la politique monétaire est envisagé mi-2024. La croissance du crédit dans le secteur privé sera induite par les ménages. De fait, les crédits aux entreprises resteront atones en raison de la sous-performance de l’économie et d’un recours accru à des sources de financement non bancaires.
Des comptes budgétaires et extérieurs en voie de consolidation
Une diminution du déficit budgétaire est attendue sur l’année budgétaire 24/25. Du fait du poids conséquent des recettes de l’UDAA dans le budget (30% des recettes et 22% du PIB), la reprise économique en Afrique du Sud et dans d’autres pays membres de l’UDAA, à partir de 2024, participera à la réduction du déficit. Par ailleurs, les recettes continueront de progresser grâce aux efforts de modernisation de la fiscalité : adoption de la taxe sur les exportations minières, introduction de droits d’accises sur l’alcool et le tabac et inclusion du secteur informel dans l’assiette fiscale. Les dépenses seront plus conséquentes en raison de dépenses d’investissement au titre du LHWP-II et d’importants remboursements de la dette au FMI. Malgré les règles fiscales en vigueur, le Lesotho aura du mal à maîtriser ses massives dépenses courantes (38% du PIB) à cause du rôle prépondérant des syndicats qui s’opposent aux réductions salariales (16% du PIB). Si la dette publique est majoritairement externe (78% de la dette) et contractée sous forme concessionnelle (63% de la dette), le déficit budgétaire sera principalement financé par endettement domestique.
En 23/24, le déficit de la balance courante est resté conséquent, mais il se résorbera légèrement en 24/25. La reprise des prix du diamant stimulera les revenus issus des exportations. Cependant, du fait d’un secteur textile en difficulté (fermetures d’entreprises en 2023 et mauvaise orientation du marché américain), la croissance des exportations restera en deçà de son potentiel. Le léger déclin des prix mondiaux des matières premières contribuera à réduire le montant des importations (99% du PIB) en 24/25, même si celles-ci continueront d’augmenter et d’excéder largement les exportations (58% du PIB). La nécessité permanente d’importer des compétences et des équipements pour le projet LHWP-II explique un déficit commercial toujours conséquent. Le Lesotho enregistre un compte de revenus excédentaire en raison, d’une part, de la rémunération des travailleurs frontaliers pour leur travail en Afrique du Sud, et d’autre part, d’un flux permanent d’aide internationale (2,5% du PIB), de transferts de capitaux sud-africains dans le cadre de LHWP-II et de la part des expatriés.
Un pouvoir politique instable : mécontentement, lenteur des réformes et interférences des forces de sécurité
La situation politique du Lesotho restera instable en 2024. Le Revolution for Prosperity (RFP), parti du Premier ministre et homme d’affaires Sam Matekane, est sorti vainqueur des élections en 2022 avec 56 des 120 sièges, mais une coalition gouvernementale mouvante a dû être formée avec les partis Alliance of Democrats (AD), Movement for Economic Change (MEC) et, plus récemment, le Basotho Action Party. Le Democratic Congress (DC) est devenu le principal meneur de l’opposition avec 29 sièges. En raison de la position fragile du RFP et de l’absence d’une majorité des deux tiers pour la coalition gouvernementale à l’Assemblée nationale, les réformes mollement demandées par l’Organe de politique, de défense et de sécurité de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), notamment en faveur d’une réduction des pouvoirs des forces de sécurité et du Premier ministre, ne seront probablement pas adoptées en 2024. En octobre 2023, l’armée, la police et les services de renseignements déclarèrent qu’ils interviendraient pour maintenir le Gouvernement au pouvoir s’il était renversé par une motion de défiance au Parlement. Si M. Matekane a échappé à la motion, la lenteur de la mise en œuvre des réformes, le haut taux de chômage (18% en 2022), la criminalité armée et l’insécurité alimentaire continuent d’entretenir le mécontentement de la population. En mai 2023, un couvre-feu avait été mis en place à la suite des troubles provoqués par l’assassinat d’un journaliste.