Rebond de croissance durable soutenu par les exportations agricoles et la reprise du secteur minier
Amorcé dès 2023, le rebond de la croissance économique devrait se prolonger voire gagner en importance en 2024 et plus encore en 2025, favorisé par une reprise généralisée à l’ensemble des secteurs (agriculture, industrie et services) et la robustesse des dépenses publiques. Malmenée par la récurrence des inondations le long du lac Tanganyika (tous les ans depuis 2019), l’agriculture (40 % du PIB pour 80 % de l’emploi en 2023), demeure pourtant une composante essentielle du développement économique, portée par le dynamisme des exportations de café (19,1 % des exportations en 2023) et de thé (9,2 %), dans une moindre mesure, alors même que les prix mondiaux sont supposés se maintenir à un niveau confortable en 2025. Le redémarrage progressif du secteur minier, après un passage à vide de plusieurs années, participera également au regain de croissance, alors que seules les activités aurifères prospèrent pour l’instant (34,8 % des exportations en 2023). Jugées désavantageuses par l’État, les concessions de nombreuses compagnies étrangères, suspendues depuis 2021, sont en cours de renégociation, à la faveur du nouveau Code minier adopté en juin 2023, davantage profitable aux finances publiques, en vue de la reprise prochaine de l’exploitation des gisements de nickel, de terres rares et de divers autres minerais critiques dont regorgent les sous-sols du Burundi. Un tel mouvement s’accompagnera d’une recrudescence des IDE (seulement 0,7 % du PIB en 2023), principalement dirigés vers les industries extractives.
En parallèle, la vigueur des dépenses publiques d’investissement (12,5 % du PIB en 2023) permet de financer la construction d’infrastructures énergétiques (centrales hydroélectriques et solaires, interconnexion transfrontalière des réseaux électriques) et le désenclavement du pays grâce à la modernisation des réseaux routier (Burundi Transport Resilience Project) et ferroviaire à écartement standard (SGR) qui le relient à la Tanzanie, avec l’appui de donateurs internationaux comme la Banque Mondiale ou la Banque Africaine de Développement (BAD). Plus généralement, le Burundi, pays parmi les plus pauvres du monde (62 % de la population vit en dessous du seuil d’extrême pauvreté), dépend encore beaucoup de la coopération internationale (9,3 % du PIB en 2023) pour assurer son développement. L’inflation, en recul, notamment grâce à la baisse des prix du pétrole, principal poste d’importation, restera quand même élevée et continuera de peser sur la consommation des ménages. Dans ce contexte, la Banque de la République du Burundi (BRB) devrait maintenir, en 2025, une politique monétaire restrictive.
Pénible redressement des déficits jumeaux sous le contrôle du FMI
En 2025, le Burundi compte poursuivre son engagement pour la consolidation des finances publiques, d’abord par une augmentation des revenus domestiques, à la faveur d’une hausse des recettes douanières des exportations de produits agricoles et miniers, d’un élargissement de l’assiette fiscale et de la modernisation du système de collecte de la TVA. Des efforts consentis en échange d’un versement de 271 millions de dollars sur 38 mois (dont 62,6 millions sont décaissés à ce jour) dans le cadre de la Facilité Élargie de Crédit (FEC) accordée par le FMI en 2023, alors que le soutien budgétaire international progresse de manière générale. En face, les dépenses publiques sont, elles aussi, prévues en hausse (de 16 % pour l’année fiscale 2024/2025) à l’approche des prochaines élections législatives, principalement en raison du dégel des primes des fonctionnaires, suspendues depuis 2016. Stable en valeur absolue, le déficit budgétaire en pourcentage du PIB devrait quand même poursuivre sa décrue, à l’image de la dette publique, détenue à 29,5 % par des créanciers étrangers en 2023, dont le poids dans le PIB doit lui-aussi s’alléger en 2025, soutenu par la croissance.
Après la contre-performance de 2024, le déficit de la balance courante reculera en 2025, à un niveau toujours extrêmement important, en bonne partie grâce à la progression des revenus d’exportation des produits agricoles et miniers mais aussi en raison de la baisse des prix des importations de produits pétroliers. Des évolutions favorables à l’amoindrissement du déséquilibre structurel et massif de la balance commerciale (-21,8 % du PIB en 2023), qui résulte d’une industrie manufacturière encore embryonnaire. Les remises de la diaspora ainsi que la progression de la coopération internationale joueront également en ce sens. En particulier, le programme du FMI, secondé par les apports d’autres organismes bilatéraux et multilatéraux de développement, permet au Burundi de subvenir à ses besoins en approvisionnements extérieurs alors que ses réserves de change équivalaient à seulement 0,7 mois d’importation en décembre 2023 – bien en-deçà des critères de convergence macroéconomique des pays de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) – et que la pénurie de devises demeure un sujet d’inquiétude majeur. Pour remédier à cela, la réforme du régime de change survenue fin 2023, censée permettre de réduire le différentiel entre le taux de change officiel et la prime sur le marché parallèle – taux auquel sont importés la majorité des marchandises à l’exception du pétrole, des médicaments et des engrais, dont l’importation reste contrôlée par l’État (et de facto subventionnée par l’usage d’un taux artificiel) –, ne se révèle que moyennement efficace. Si la prime est bien retombée en mai 2023 à la suite de la dépréciation de 38 % du taux de change officiel décidée par la BRB, elle s’accroît à nouveau depuis lors (100 % en mai 2024).
Rétablissement progressif des relations avec les bailleurs
Sous la présidence d’Evariste Ndayishimiye, au pouvoir depuis 2020, le Burundi s’emploie à renouer avec les donateurs internationaux partis en 2015, lorsque la décision de l’ex-président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat – au mépris de la Constitution – avait déclenché une forte contestation populaire réprimée dans le sang. Les sanctions et la suspension de l’appui international avaient alors provoqué de graves difficultés économiques, notamment d’importantes pénuries. Depuis 2022, les signes d’amélioration – très relatifs – du respect des droits humains entraînent la reprise graduelle de la coopération internationale, essentiellement de bailleurs occidentaux ou multilatéraux, à l’image du réengagement des Etats-Unis, de la Banque Mondiale, du FMI, ou de l’UE pour un montant dépassant le milliard de dollars sur la période 2022-2027. La mainmise du parti présidentiel, le Conseil National Pour la Défense de la Démocratie – Forces pour la Défense de la Démocratie (CNDD-FDD), sur la vie politique burundaise, ne faiblit pas pour autant et empêche l’émergence de toute forme d’opposition en mesure de l’emporter, alors que l’issue des élections législatives de 2025 ne fait absolument aucun doute.
Enclavé dans la région des Grands Lacs, l’accès du Burundi au commerce mondial dépend largement de la Tanzanie, pays voisin côtier. La construction d’une nouvelle ligne de chemin de fer (dont l’achèvement est prévu pour 2028) reliant le pays au port de Dar es Salam, par lequel transitent 80 % de ses échanges, facilitera l’approvisionnement du pays en denrées alimentaires ainsi que les exportations de minerais. L’extraction de nickel, tout particulièrement, devrait rapporter gros au Burundi, dont le gouvernement a signé en 2022 un giga-contrat à 15 milliards de dollars sur 10 ans avec la compagnie russe East African Region Project Group. Par ailleurs, dans un contexte sécuritaire fragile et instable, la coordination militaire renforcée du Burundi avec la République Démocratique du Congo (RDC) devrait se poursuivre en 2025 afin de lutter contre les attaques de milices rebelles congolaises à la frontière entre les deux pays. En revanche, la tentative de rétablissement des relations avec le Rwanda, initiée en 2023, a vite tourné court après que le président Ndayishimiye a décidé de bloquer la frontière avec son voisin en janvier 2024, l’accusant d’héberger et d’entraîner un groupe rebelle hostile au pouvoir de Gitega, la nouvelle capitale.