Une croissance modérée soutenue par le tourisme
En 2024, la croissance se maintiendra à un niveau confortable, principalement soutenue par la consommation des ménages (76% du PIB en 2022). Les ménages profiteront des bonnes performances de la construction (12% du PIB en 2022) et du tourisme (contribution directe et indirecte au PIB de 20%), qui continuera son expansion en 2024, après avoir atteint un niveau record en juillet 2023 en termes d’arrivées de touristes. La bonne marche de ces deux secteurs restera néanmoins très dépendante de la situation économique européenne, la méforme des pays européens, dont provient l’essentiel des touristes et des remises d’expatriés, risquant de peser. En parallèle, grâce aux financements extérieurs, l’investissement public (5% du PIB) devrait se maintenir, notamment pour améliorer les capacités électriques du pays. L’exploitation de son potentiel solaire pourrait notamment permettre à l’Albanie d’enrayer les coupures intermittentes d’approvisionnement, dues à la pluviométrie et à la saisonnalité de l’hydroélectricité (99% de l’électricité produite en 2021). La mise en service de la centrale de Karavasta, première centrale solaire à grande échelle du pays, construite par l’entreprise française Voltalia, grâce à un prêt de la Société financière internationale, permettra ainsi l’injection de 140 MW supplémentaires sur le réseau à partir de début 2024. Par ailleurs, l’inflation poursuivra son déclin en 2024, soutenu par l’appréciation continue du lek et le ralentissement de la croissance du prix des denrées alimentaires.
Un déficit commercial structurellement élevé
En 2024, le déficit courant restera élevé, tiré par le large déficit de la balance des biens. Si l’appréciation du lek permettra de diminuer le coût des importations, notamment d’énergie, de produits intermédiaires et de biens d’équipement, les exportations, déjà sujettes à la méforme européenne, risquent en revanche d’être pénalisées. Le gouvernement a ainsi mis en place des mesures pour atténuer les effets sur les exportateurs, qui bénéficient, par exemple, de délais de paiement allongés pour s’acquitter de l’impôt sur les bénéfices. L’essor du tourisme soutiendra, néanmoins, l’excédent des services et les remises des expatriés entretiendront le solde positif de la balance des revenus secondaires, bien que négativement impactées par l’appréciation du lek. Les investissements directs étrangers (8% du PIB), principalement vers les industries extractives et le secteur de l’énergie, continueront de financer le déficit.
Par ailleurs, la décision du gouvernement albanais d’augmenter les salaires publics en 2024 pèsera sur le déficit budgétaire. Les efforts parallèles d’assainissement et la hausse des recettes liée aux mesures visant à réduire l’informalité et l’évasion fiscale contiendront néanmoins l’augmentation du déficit. Dans ce contexte, le poids de la dette continuera de diminuer, grâce aux bonnes performances économiques et à l’appréciation du lek (46% de la dette étant libellée en devises).
Des négociations d’adhésion à l’UE freinées par la corruption et les différends avec la Grèce
Grâce à sa majorité parlementaire renouvelée pour la troisième fois en 2021, le premier ministre, Edi Rama, poursuivra sa lutte contre la corruption et le crime organisé, en vue de l’adhésion à l’UE. En effet, après l’invasion de l’Ukraine, l’Union Européenne a officiellement ouvert les négociations pour l’adhésion de l’Albanie et de la Macédoine du Nord. Néanmoins, en dépit des efforts en matière de réforme du système judiciaire et de mesures anti-corruption, une adhésion à court terme reste improbable en raison de l’ampleur des réformes à mener. Toutefois, les réformes pourraient s’accélérer grâce au plan de croissance de 6 milliards d’euros proposé par l’UE aux pays des Balkans candidats. Les fonds devraient être répartis entre des subventions, pour 2 milliards, et des prêts, pour 4 milliards, et décaissés, à la fois, en amont, afin d’aider les pays à accélérer leurs réformes, et en aval de la complétion des objectifs annuels fixés. Cependant, des relations orageuses entre le parti au pouvoir (le Parti Socialiste d’Albanie) et le principal parti d’opposition (Parti Démocrate d’Albanie) pourraient freiner la mise en place des réformes. Par ailleurs, l’Albanie continuera d’entretenir de bonnes relations avec l’Italie, avec laquelle elle a signé un accord, début novembre 2023, concernant la délocalisation sur son territoire de la rétention des demandeurs d’asile. Le projet ayant été déféré à la Cour constitutionnelle par l’opposition, début décembre 2023, l’ouverture des deux premiers centres financés par l’Italie, initialement prévue pour le printemps 2024, devrait être retardée en attendant l’examen de la conformité de l’accord. En outre, des tensions entre l’Albanie et la Grèce ressurgissent périodiquement, souvent sur fond de de minorités ethniques réciproques, ce qui retardera les négociations d’adhésion à l’UE. Ainsi, en novembre 2023, la Grèce semblait retarder l’ouverture des cinq premiers chapitres d’adhésion à l’UE de l’Albanie en raison de l’arrestation d’un candidat de l’opposition d’origine grecque élu aux municipales albanaises, l’empêchant de prêter serment.