COVID-19 : un choc mondial y compris pour le secteur pharmaceutique, qui reste résilient
La Coface considère le secteur pharmaceutique comme le plus résilient parmi ceux analysés. Les produits pharmaceutiques sont essentiels et leur prix est élevé pour les maladies graves. Enfin, les fortes barrières à l’entrée découlant de l’importance de la recherche et du développement (R&D) dissuadent les nouveaux entrants.
Les essais cliniques ont été durement touchés au début de la pandémie, au premier semestre 2020, mais ont repris ? dans certains domaines thérapeutiques ? au second semestre 2020. IQVIA a analysé les données mondiales sur les essais cliniques pour 2020 et a constaté que le nombre de nouveaux essais a augmenté de 8 % l’année dernière. L’oncologie a connu une augmentation de son activité d’essais, car ce domaine est très recherché en raison de la forte demande des payeurs et des patients. Les thérapies oncologiques rares voient leur part de tous les essais liés à l’oncologie augmenter, pour atteindre 63 % à la fin 2020. D’autres domaines ont connu une baisse d’activité, ce qui, selon IQVIA, prouve que les sponsors et les investigateurs sont plus intéressés par les maladies liées à de petites populations et offrant des rendements financiers plus élevés. Les essais cliniques ont adopté la numérisation des processus, comme d’autres industries. La décentralisation des essais et le travail à distance (entre autres) ont raccourci la durée des essais et contribué à améliorer la productivité, même si la complexité des processus demeure élevée.
Le déploiement mondial des vaccins va augmenter les revenus
Selon les données de Our World In Data (au 29/11/2021), plus de 4 milliards de personnes dans le monde ont reçu une dose de vaccin, tandis que 3,38 milliards ont été complètement vaccinées. Les gouvernements du monde entier tentent de s’approvisionner en vaccin auprès des sociétés pharmaceutiques et biotechnologiques. Les sociétés occidentales sont celles qui profitent le plus de cette course, puisque le vaccin de Pfizer?BioNTech a été approuvé par 95 pays, alors que celui d’ d’AstraZeneca a été livré à environ 91 pays et celui de Janssen à environ 76 pays. Sputnik V et Sinopharm n’ont fourni que 67 and 61 pays, respectivement. Avec de tels chiffres, nous nous attendons à ce que les fabricants de vaccins augmentent leurs revenus dans les trimestres à venir, car les gouvernements demanderont une troisième ou quatrième injection pour faire face à une augmentation du nombre de variants.
Le défi de la tarification pré-COVID-19 reste une question clé pour les payeurs dans un contexte d'innovations coûteuses
Les nouvelles thérapies qui arrivent sur le marché pour traiter des maladies souvent potentiellement mortelles ou chroniques contribuent principalement à la hausse globale des prix des médicaments. Par exemple, l’Enhertu d’AstraZeneca et de Daiichi Sankyo, prescrit pour le cholestérol, coûtera 13 000 USD par mois. Rien qu’aux États?Unis, en 2021, 300 médicaments verront leurs prix augmenter, avec des hausses allant de 0,5 % à 10 % selon « 3 Axis », qui suit les prix des médicaments payés en pharmacie. Pour justifier les hausses de prix, les entreprises pharmaceutiques invoquent le manque à gagner (la pandémie ayant affecté les volumes de prescription de médicaments) et la nécessité de récompenser les efforts déployés pour mettre au point des vaccins et des thérapies requérant un niveau élevé de R&D. Ces augmentations, ainsi que le manque de transparence perçu dans la fixation des prix par les sociétés pharmaceutiques, ont donné lieu à des initiatives bipartites au Congrès pour freiner l’inflation des prix des médicaments.
Le plan Biden, qui est destiné à faire baisser le prix des médicaments (sections du programme économique Build Back Better pour la santé), et qui est soumis au Sénat américain pour délibération au moment de la rédaction de cet article, permettrait à Medicare de plafonner les augmentations de prix ou de diminuer le prix de certains médicaments, notamment ceux qui sont estimés comme étant les plus chers. Selon certains analystes, le plan démarrera en 2023 et commencera par plafonner les augmentations de prix. Puis, en 2025 des baisses de prix seront appliquées sur les 10 médicaments les plus chers, avec, comme objectif, de diminuer le poids exercé sur les finances publiques. Ces mesures devraient entraîner des économies estimées à environ 160 milliards USD sur dix ans en cas de vote par le Sénat. Le puissant lobby pharmaceutique pense que ces dispositions et lois affecteront le rythme des lancements de médicaments alors que, pour certains groupes de défense, cette loi, si elle est adoptée, n’aurait qu’un impact mineur sur la capacité de l’industrie pharmaceutique et les sociétés de biotechnologie à développer de nouvelles molécules sur le marché.
En Chine, les autorités publiques prônent de plus en plus l’extension de la réglementation des soins de santé. Trois grands thèmes sont mis en avant : la création d’un environnement propice à l’innovation nationale, l’amélioration de la qualité des produits et à des mesures incitatives pour rendre les produits plus abordables et plus accessibles aux patients (par des baisses de prix). L’oncologie est le premier domaine thérapeutique où ces mesures seront appliquées, notamment par le biais de normes plus strictes pour les essais cliniques. Les génériques et les biosimilaires sont également ciblés, via des baisses de prix agressives qui seront demandées dans le cadre d’appels d’offres. En Europe, l’augmentation de la dette publique induite par les mesures de soutien adoptées pendant les confinements pourrait entraîner une baisse du remboursement de certains médicaments. Comme en Chine et aux États?Unis, l’accès à des médicaments plus abordables constitue un problème clé pour les payeurs publics en raison de l’accès au marché de médicaments onéreux.
Les acteurs pharmaceutiques, notamment les « Big Pharma », sont confrontés aux critiques et au scepticisme des gouvernements et de l’opinion publique concernant le manque de transparence des prix. Les appels à une plus grande transparence proviennent non seulement des États?Unis, mais du monde entier. Les payeurs ont certains outils à leur disposition pour limiter l’impact budgétaire des médicaments coûteux. L’un d’entre eux est que, en plus de la participation des assurés aux paiements, les payeurs (en particulier en Europe occidentale) ont mis en place des systèmes d’évaluation « coûts?bénéfices » pour chaque thérapie. Ainsi, au Royaume?Uni, cette approche fondée sur la valeur permet au National Institute for Clinical Excellence (NICE) du pays, de refuser de rembourser un médicament s’il n’améliore pas de manière significative les chances de survie ou la qualité de vie (mesurée en termes monétaires) des patients traités par le National Health Service (NHS).Ces méthodes sont de plus en plus appliquées dans les pays émergents, notamment en Chine. Aux États?Unis, l’Institute for Clinical and Economic Review (ICER) tente de mettre en œuvre une évaluation fondée sur des données probantes pour les acteurs de l’industrie, tels que CVS Caremark, un Pharmacy Benefit Manager (PBM), qui cherche notamment à faire baisser le prix des médicaments pour le compte des assureurs maladie.
De nombreux acteurs du paysage pharmaceutique sont confrontés à des litiges, notamment en Europe et aux États?Unis. La crise des opioïdes aux États?Unis pèsera sur les résultats financiers de certains distributeurs de médicaments comme des entreprises pharmaceutiques. L’accord conclu en juillet 2021 entre les trois principaux distributeurs et le laboratoire pharmaceutique Johnson & Johnson avec plusieurs collectivités locales américaines porte sur un montant total de 26 milliards de dollars, qui sera payé sur 18 ans. En ce qui concerne le scandale du talc, Johnson & Johnson constituera des provisions pour « frais de litige » à hauteur de 3,9 milliards USD. Toutefois, les litiges ne sont pas uniquement liés aux entreprises qui vendent des produits dangereux. Le système de gonflement des prix mis au point par Martin Shkreli au milieu des années 2010, un scandale dans lequel son entreprise a vendu un médicament déjà amorti après une hausse de prix de 5 000 %, l’a envoyé en prison alors même que le médicament est indiqué pour des pathologies tel que le VIH.
Comme avant l’irruption de la COVID-19, les distributeurs de médicaments restent le segment le plus à risque du secteur
Le segment le plus à risque dans le secteur pharmaceutique comprend les distributeurs, y compris les grossistes, ainsi que les chaînes de pharmacies de détail. Ils subissent de plein fouet les réductions de prix exigées par les payeurs publics et privés, alors que leurs coûts fixes demeurent élevés en raison de réseaux logistiques denses et spécialisés. Ils doivent par exemple faire face au fait que certains médicaments doivent être livrés rapidement, quelle que soit leur destination, tout en respectant des normes d'emballage strictes. À cela s'ajoute une concurrence accrue, notamment l'entrée de nouveaux acteurs, comme Amazon aux États-Unis. Selon les estimations de la Coface, la marge nette des distributeurs était légèrement au-dessus de zéro (0,25%) à la fin du 3ème trimestre 2021 contre +1,47% il y a un an, un niveau déjà bien inférieur à celui des entreprises pharmaceutiques et biotechnologiques.
Parallèlement, ce sous-secteur présente le deuxième ratio d’endettement le plus élevé, qui a atteint 13,1% au T3. Les grossistes européens et chinois ont un profil de risque plus élevé. Outre les politiques de réduction drastique des prix en cours dans la région, les grossistes européens doivent également respecter des normes et réglementations plus strictes. Le respect de ces règles engendre des coûts plus élevés et affecte la rentabilité. En Chine, le gouvernement central cherche à assainir le segment, qui a été largement affecté par l’absence de transparence et la présence d'intermédiaires qui ont fait grimper les prix. La politique de « double facturation » facilite le contrôle des transactions : le producteur émet une facture au distributeur, qui facture ensuite son client (hôpital ou pharmacie).