Matériel électronique : modeste croissance des volumes, prix toujours sous pression
Après deux années post-pandémie marquées par une forte contraction de leurs volumes de vente, les fabricants de matériel électronique reviendront à meilleure fortune en 2024. Parmi les principaux marchés de produits, les smartphones, PC, serveurs et téléviseurs verront leurs volumes de vente progresser respectivement de 4%, 2%, 2% et 1%. La demande émanant des entreprises restera, d’une manière générale, plus soutenue que celle de consommateurs dont le pouvoir d’achat a depuis été entamé par l’inflation. Nous nous attendons, pour 2025, à des volumes toujours en croissance grâce au cycle de renouvellement des produits achetés durant la pandémie.
Depuis leurs pics de ventes respectifs atteints en 2011, 2013 et 2016, les segments du téléviseur, du PC et du smartphone sont devenus des marchés de renouvellement. Pour croître, les entreprises n’ont d’autres choix, dans l’entrée de gamme, que de se livrer une concurrence sur les prix pour gagner en parts de marché. Cette stratégie a conduit une nette consolidation du marché au détriment d’entreprises européennes, américaines et japonaises et au profit de nouveaux entrants chinois. Dans le milieu et le haut de gamme, les fabricants de téléviseurs continueront de proposer des écrans de taille et de résolution toujours plus importantes tandis que les fabricants de smartphones et PC introduiront leurs premiers modèles spécifiquement conçus pour tirer parti de l’intelligence artificielle.
L’essor de cette technologie sera toutefois plus tangible sur le marché des serveurs pour data centers dont le chiffre d’affaires devrait croître de plus de 10% en 2024.
Semiconducteurs : début d’un nouveau cycle de croissance
Le marché des semiconducteurs entame un nouveau cycle de croissance : après une contraction de 8% en 2023, les ventes mondiales devraient progresser de 16% et s’établir à 611 milliards d’USD en 2024 selon WSTS. La demande des régions Amérique (+25%) et Asie-Pacifique (+17%) alimentera l’essentiel de la croissance du marché, tandis que celles de l’Europe et du Japon devraient rester stables. Pour 2025, WSTS table sur une progression des ventes mondiales de l’ordre de 12%. Tous les moteurs traditionnels du marché des semiconducteurs montent en régime. Les volumes sont en augmentation sur les principaux marchés clients : smartphones, PC et serveurs. Les prix dans le segment critique des puces mémoires, représentant 30% des ventes mondiales de semiconducteurs, sont de nouveau orientés à la hausse grâce à la résorption de stocks d’invendus. En outre, l’introduction d’une nouvelle technologie de gravure en 3 nanomètres par TSMC et Samsung au second semestre 2023, utilisée pour la fabrication des puces les plus sophistiquées, est également porteuse pour le secteur. Enfin, l’utilisation des semiconducteurs continue de croître dans la plupart des marchés secondaires, tels que l’automobile, l’électroménager, ou le matériel électrique. La croissance des capacités de production, tombée à 5% en 2023 (8% en 2022, Source : SEMI), accélère également et devrait atteindre 6% en 2024, avec une contribution toujours plus importante de la Chine (+15%), qui représente déjà plus du quart du marché mondial (26%). Malgré des capacités en croissance, les parts de marché des régions Amériques (9%) et Europe/Moyen Orient (8%) continueront de s’étioler
Au-delà du cas particulier de l’entreprise Nvidia, dont la valorisation boursière a quadruplé entre juin 2023 et juin 2024, l’impact de l’intelligence artificielle est d’ores et déjà nettement perceptible dans les comptes d’autres spécialistes des microprocesseurs (CPU), processeurs graphiques (GPU) et puces mémoires (DRAM) employés dans les serveurs dédiés à l’IA et donc dans les ventes mondiales de semiconducteurs. Dopé par l’essor de l’ordinateur personnel dans les années 1990, du téléphone mobile dans les années 2000 et du smartphone dans les années 2010, le secteur des semiconducteurs pourrait trouver dans l’intelligence artificielle sa martingale de la décennie 2020 si cette technologie tenait toutes ses promesses. Un enthousiasme excessif pourrait toutefois, si elle tardait à se concrétiser dans des usages probants et rentables, conduire à une forte correction des ventes de semiconducteurs.
Le risque géopolitique demeure élevé et se traduit depuis plusieurs années par un nombre croissant de restrictions au commerce entre fabricants chinois et fournisseurs américains et européens de technologies de pointe. Depuis octobre 2022, les États-Unis interdisent par exemple l'exportation de technologies avancées de semi-conducteurs et de superordinateurs vers la Chine et le soutien de citoyens américains aux activités de fabrication de semi-conducteurs en Chine. Des pays géopolitiquement proches des Etats-Unis comme le Japon, la Corée du Sud ou Taiwan pourraient à terme prendre des mesures similaires. Ces restrictions complexifient considérablement les chaînes d’approvisionnement des entreprises chinoises et se traduisent par des pertes d’opportunités commerciales pour les entreprises occidentales. Elles pourraient également, paradoxalement et par nécessité, accélérer l’émergence de nouveaux concurrents chinois dans les technologies en question. De nouvelles restrictions de part et d’autre pourraient encore augmenter les risques de pénurie et d’excédents de stocks, et ainsi accentuer la cyclicité notoire du secteur
A moyen terme, les politiques industrielles mises en œuvre par le Japon, les Etats-Unis et l’Union européenne pourraient, à la marge, leur permettre de réduire leur dépendance aux fabricants de Chine continentale et de Taiwan.
Services et logiciels informatiques : les contraintes de main d’œuvre grèvent la croissance et tirent les coûts à la hausse
Le secteur des services et logiciels informatiques comprend les sous-segments du conseil, de la programmation, du traitement de données, des services gérés et du logiciel générant collectivement un chiffre d’affaires mondial de 2 300 milliards d’USD. Affichant une croissance annuelle moyenne de près de 9% au cours de la dernière décennie, il tire son dynamisme de l’usage par les entreprises et les administrations des technologies de l’information et de la communication pour améliorer leur efficacité.
Essentiellement constitué de marchés nationaux ou régionaux comme la plupart des activités de services, le secteur connaît toutefois une internationalisation croissante dans les segments du logiciel, des services gérés, de la programmation et du traitement de données. Au cours de la dernière décennie, les exportations de services IT par l’Inde et les Etats-Unis ont par exemple plus que doublé et représentent désormais plus de 150 milliards d’USD par an. Après le big data, le cloud computing et la cybersécurité, les entreprises du secteur misent désormais sur le déploiement des technologies d’intelligence artificielle pour accélérer encore leur croissance.
Répondre à la croissance de la demande constitue le défi principal des entreprises de ce secteur où la main d’œuvre constitue à la fois le premier poste de coût (entre 50% et 75% du chiffre d’affaires selon les segments) et la source principale de compétitivité. Ces dernières années, une pénurie de profils qualifiés a pesé sur la capacité des entreprises à répondre à la demande et tiré à la hausse les coûts salariaux. Le secteur doit également composer avec des exigences croissantes des autorités de régulation en matière notamment de collecte, d’hébergement et de sécurité des données (Réglementation Générale pour la Protection des données dans l’Union européenne) ou de contrôle des contenus illicites ou mensongers (Règlement sur les Services Numériques).
Télécommunications : les usages explosent, le chiffre d’affaires stagne
Le secteur des télécommunications génère un chiffre d’affaires annuel mondial de l’ordre de 1 500 milliards d’USD. Les marchés des télécommunications sont nationaux, oligopolistiques et le plus souvent dominés par un ancien monopole d’Etat. Les groupes internationaux y sont l’exception et ont pour la plupart, faute d’économies d’échelle ou de synergies suffisantes, sensiblement réduit leurs activités en dehors de leurs pays ou régions d’origine ces dernières années.
Porté par le développement rapide des réseaux fixes et mobiles dans les économies développées de 1995 à 2015, le secteur y est désormais largement mature et sa rentabilité fonction de la taille et du degré de concentration des marchés domestiques. A cet égard, les opérateurs américains bénéficient d’un marché à la fois vaste (330 millions d’habitants) et concentré (Verizon, AT&T et T-Mobile détiennent plus de 90% du marché) permettant des marges élevées. A l’inverse, les marchés européens restent nationaux et plus fragmentés et donc comparativement moins rentables.
Dans les pays émergents, le déploiement des télécommunications mobiles continue de soutenir une croissance peu rémunératrice du fait de revenus moyens par utilisateur (average revenue per user, ARPU) comparativement faibles. Le nombre d’abonnements à la téléphonie mobile et au haut-débit fixe dans le monde devrait croitre de 1% et 3% par an respectivement dans les cinq prochaines années. Après une décennie de croissance quasi-nulle, le chiffre d’affaires du secteur ne devrait progresser qu’à la marge sur la même période.
L’usage des télécommunications, pourtant, continue de croître à un rythme soutenu grâce au déploiement de réseaux fixes (fibre optique) et mobiles (5G) plus rapides et plus étendus. Les volumes de données échangés sur les réseaux mobiles et fixes dans le monde devraient ainsi progresser respectivement de 20% et 12% par an dans les cinq prochaines années. Le défi, pour les opérateurs télécoms, est de monétiser cette amélioration de la qualité du service auprès de consommateurs opportunistes et attentifs aux prix (pays développés) ou aux budgets contraints (pays émergents).