Timide reprise portée par les exportations et les projets d’infrastructure financés par la communauté internationale
En 2025, et encore en 2026, la croissance devrait accélérer par rapport à 2024, qui avait vu une sortie de stagnation. Les moteurs de 2024 – notamment l’amélioration de l’approvisionnement en carburants et la résilience de la sylviculture – continuent à stimuler l’économie. À cela s’ajoute une hausse des exportations, tant en volume qu’en valeur, d’or, de bois et de diamant. Ce dernier produit bénéficie de la levée des sanctions internationales à la faveur d’un renforcement du contrôle étatique sur les zones minières et d’efforts accrus de traçabilité. Par ailleurs, la facture des importations diminue, notamment grâce au don, début 2025, de 30?000 tonnes de diesel par la Russie, équivalant à six mois de consommation domestique et grâce à la baisse des cours du pétrole.
La croissance s’appuie aussi sur la reprise de l’investissement privé soutenue par le déploiement du réseau 4G et les premières retombées du projet d’infrastructure «?Corridor 13?», qui vise à établir un réseau de transport multimodal entre Pointe-Noire (Congo-Brazzaville) et N’Djamena (Tchad), en passant par Bangui. Ces investissements dans les infrastructures, mais aussi l’agro-industrie, sont principalement financés par les institutions financières internationales, les contraintes budgétaires et la faible épargne domestique pesant sur les capacités d’autofinancement du pays. En revanche, la consommation publique restera atone, le gouvernement visant une réduction de son déficit primaire, c-à-d hors intérêts de la dette. La consommation privée, enfin, bénéficiera du reflux de l’inflation mais demeurera contrainte par la grande pauvreté et la suppression d’exemption de taxes. Enfin la réduction de l’aide américaine au développement (USAID) aura des effets plus modérés que prévus sur l’activité économique en 2025, les projets humanitaires ayant été maintenus, et une large part du montant initialement prévu ayant déjà été versé. Cependant, la situation alimentaire demeure très préoccupante.
L’inflation, qui avait accéléré fin 2024 et début 2025, en raison d’un choc d’approvisionnement sur les produits alimentaires et de la hausse des prix du carburant, devrait continuer à ralentir grâce à la baisse des prix à la pompe et aux dons de carburant venant de Russie. Considérant l’inflation maîtrisée et souhaitant soutenir la croissance régionale, la BEAC (Banque des Etats d’Afrique centrale) a décidé en mars 2025 de baisser ses taux (taux des appels d’offre et facilité de prêt marginal), contre l’avis du FMI.
Une situation budgétaire sous tension
En 2024, le déficit primaire, excluant les investissements financés par l’étranger (5% du PIB), s’est aggravé à 4,9% du PIB, à cause du report de dépenses prévues en 2023, du règlement d’arriérés et de dépenses de sécurité accrues. Depuis un an et demi, les taux de souscription aux émissions obligataires sur le marché régional ont chuté en raison d’une baisse de la liquidité, causée par des événements de crédit dans certains pays membres de la CEMAC (déficits et dettes publiques trop élevés). En conséquence, le gouvernement a eu recours à des émissions de dette syndiquée, c’est-à-dire des emprunts négociés avec un groupe de banques ou d’investisseurs, à l’échelle régionale. Ces emprunts sont plus onéreux.
Pour remédier au creusement de la dette et du déficit public, la politique budgétaire pour 2025 et 2026 vise une stabilisation de la dépense publique autour des 600 millions de dollars, afin de faire baisser sa part dans le PIB de 20% en 2024 à environ 16,5% en 2026. A cet effet, le gouvernement cherche à réduire légèrement les dépenses courantes (salaires, subventions, dépenses en biens et services)..Les dépenses en capital continueront d’être financées par l’étranger à hauteur de 85%. Dans le même temps, différentes réformes visent à augmenter les recettes : réduction des exonérations, recouvrement des arriérés, augmentation des moyens de l’administration fiscale. L’objectif du gouvernement est audacieux, voire aventureux : il s’agirait d’atteindre l’équilibre budgétaire en 2026, par un effort réparti équitablement sur deux ans. La dette publique passerait ainsi, dès 2027, en-dessous des 50% du PIB. Elle est détenue à 53% par des créanciers extérieurs sous forme de prêts concessionnels (57% multilatéraux et 43% bilatéraux). Les arriérés anciens vis-à-vis des créanciers bilatéraux représentent 13% de la dette. Le solde est porté par des créanciers domestiques et régionaux. L’Inde et la Chine se distinguent par leur montée en puissance récente parmi les créanciers. Malgré la lourde charge du service de la dette souscrite sur le marché régional (33% des recettes publiques en 2026) et un risque élevé de surendettement, la dette est soutenable.
Le déficit du compte courant devrait fortement reculer en 2025 et 2026, d’une part, grâce à l’amélioration de la balance commerciale, permise par la levée des sanctions internationales sur les exportations de diamants et la réduction de la facture énergétique, et, d’autre part, l’augmentation du soutien budgétaire prévu dans le cadre de la Facilité élargie de crédit du FMI. Le déficit courant est principalement financé par des subventions affectées aux projets d’investissement provenant d’institutions multilatérales (FMI, Banque mondiale) ou de partenaires bilatéraux, tels que la France. Il l’est marginalement par des prêts concessionnels et des investissements directs, en légère hausse, ainsi que des crédits commerciaux.
Les autorités affirment un peu plus leur présence dans un environnement toujours extrêmement instable
La RCA demeure dans une situation politique et sécuritaire précaire depuis l’éclatement de la guerre civile en 2013. L’accord de paix conclu en 2019 entre le gouvernement et les différents groupes rebelles n’a pas tenu ses promesses : des pans du territoires restent contrôlés par des groupes armés. Cependant, les divisions au sein de la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC), un mouvement issu de la fusion de six groupes rebelles en réaction à la réélection frauduleuse du président Faustin-Archange Touadéra en 2020, ainsi que l’accord de paix de juillet 2025 entre le gouvernement centrafricain et deux importantes milices (faisant partie du CPC) contribuent à accroître un peu le contrôle étatique sur le territoire et, partant, la sécurité. Néanmoins, plusieurs groupes armés restent actifs, maintenant une insécurité chronique dans plusieurs régions.
La nouvelle Constitution adoptée par référendum largement boycotté en juillet 2023 prolonge le mandat présidentiel à 7 ans, renouvelable indéfiniment, ouvrant la voie à un maintien durable du Président Touadéra au pouvoir, soutenu par les mercenaires d’Africa Corps (ex-Wagner) sous supervision russe. Les élections locales, plusieurs fois reportées en raison de difficultés logistiques et financières, devraient se tenir fin 2025, en même temps que les scrutins présidentiel et législatif, dans un contexte verrouillé où l’opposition est muselée. Une forte incertitude demeure autour de leur tenue effective. Si elles devaient intervenir, le boycott annoncé et l’absence d’observateurs crédibles font craindre des contestations post-électorales, voire une reprise des violences dans certaines zones. La participation électorale devrait rester très faible (probablement à un niveau similaire aux 34 % enregistrés en 2020), ce qui reflète le contrôle limité du gouvernement sur certaines parties du pays, ainsi qu’un large désenchantement du public vis-à-vis du processus électoral. Le chef d’État consolide également sa mainmise sur les grands dossiers économiques en s’arrogeant l’attribution des permis d’exploitation minière.
Sur le plan international, la RCA entretient des liens économiques et militaires solides avec la Russie, dont les milices, présentes en permanence dans le pays, assurent la sécurité du président et forment l’armée régulière en échange d’un accès privilégié aux ressources du pays (mines, bois, agriculture). Bangui a même franchi un pas supplémentaire, en février 2024, en permettant à Moscou d’installer, sur son propre sol, sa toute première base militaire en Afrique, qui pourra accueillir jusqu’à 10 000 soldats. Cependant, les récentes discussions avec l’Africom (Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique), laissent penser qu’un léger rapprochement avec les Etats-Unis est possible, dans l’objectif de renforcer la sécurité dans le pays. Dans ce contexte, la MINUSCA, l’opération de maintien de la paix menée par l’ONU en Centrafrique depuis 2014, est tout de même maintenue, en dépit des tensions qui l’opposent au gouvernement, aux troupes russes et aux populations locales. En janvier 2025, un officier français a été reçu à Bangui pour relancer la coopération militaire franco-centrafricaine, interrompue depuis 2016, Paris cherchant à contrer l’influence russe en participant à la formation de l’armée. La France a, par ailleurs, repris son soutien économique, avec une aide de 10 millions d’euros en novembre 2024, la première depuis trois ans. Dans le même temps, les tensions frontalières avec le Tchad, accusé de soutenir certaines milices rebelles, et l’afflux de réfugiés, depuis l’éclatement en 2023 de la guerre civile au Soudan, compliquent la gestion régionale de la sécurité.