Malgré des défis persistants, la reprise continue
Après deux années consécutives de récession précipitée par les chocs associés au passage du cyclone Idai, à la sécheresse, puis, à la pandémie de la COVID-19, l’activité a rebondi en 2021 et 2022, soutenue par des récoltes agricoles plus élevées et l’activité minière (~80% des exportations pour cette dernière, dont 47% d’or et de nickel) En 2023, cette reprise modérée devrait se poursuivre. Les moteurs resteraient la consommation des ménages et les exportations minières. Au premier semestre, une politique budgétaire expansionniste en prélude aux élections ainsi qu’un ralentissement transitoire de l’inflation devraient permettre un rebond de la consommation. L’effet sur la croissance devrait toutefois être atténué par la hausse des importations liée à la faible base manufacturière. Déjà bonne l’année précédente, la moisson de l’automne 2022 marque une progression forte de la production de blé, grâce à une hausse de 10% des terres arables mises en culture. Ceci devrait profiter aux deux tiers de la population dépendant de l’agriculture. En décembre 2022, les stocks de maïs, aliment de base, représentent 12 mois de consommation. L’insécurité alimentaire ne devrait toutefois pas disparaître (26,6% de la population concernée en janvier 2023, selon le PAM), en raison de prix internationaux élevés et d’agriculteurs réticents à livrer leur récolte à des conditions jugées défavorables
Les perspectives pour les investissements demeurent globalement négatives. Des cours des matières premières en baisse au premier semestre, même si encore élevés, et les craintes d’instabilité liées aux élections sont autant de facteurs défavorables à court terme. De plus, la résorption des longues coupures de courant devrait avancer laborieusement. En effet, la mise en service de deux centrales thermiques à Hwange début 2023 pour 600 MW sera contrebalancée par le niveau encore bas du lac de barrage hydroélectrique de Kariba partagé avec la Zambie sur le Zambèze. Cependant, ayant impliqué 4 milliards de dollars US d’investissement près de Harare depuis son annonce en 2018, la mine de Karo devrait commencer à exploiter de nouveaux filons de chrome cette année et du platine d’ici 2024. Bénéficiant de nouvelles mines ainsi que d’une légère résorption de la contrebande, les exportations officielles de minerais devraient passer de 2 milliards de dollars US avant 2022 à 8-10 milliards en 2023. Fin décembre 2022, le Zimbabwe a décidé d’un contrôle des exportations de lithium, afin de tenter d’amener les industriels étrangers à investir dans sa transformation sur place.
Un accès difficile aux financements internationaux
Aucune réforme économique d’ampleur n’est attendue avant les élections générales à l’été 2023. En cette année électorale, le gouvernement devrait augmenter les salaires des fonctionnaires (8% du PIB). Le succès apparent du soutien à l’agriculture via la distribution d’engrais en 2022 pourrait encourager l’Etat à poursuivre cette politique, notamment pour sécuriser l’approvisionnement alimentaire. Le déficit public restera toutefois faible en raison de la difficulté à le financer autrement que par recours, au marché domestique et à l’Afreximbank: le gouvernement ne semble pas avoir pris de mesures supplémentaires face à l’inflation et les recettes s’amélioreront avec la croissance, tandis que les investissements publics dans les transports et l’énergie seront probablement limités. Une dette très élevée et non restructurée ainsi qu’une base fiscale étroite (16% du PIB) étriquée par la contrebande réduisant les rentrées douanières, repoussent les créditeurs potentiels, d’autant plus que le FMI n’a consenti qu’à une ligne de crédit « crise alimentaire » à l’automne 2022 en raison d’impayés à son encontre et des autres multilatéraux. Une résolution rapide de la crise de la dette semble improbable, aucun accord à l’amiable n’ayant été trouvé sur les arriérés extérieurs, concernant même des institutions comme la Banque mondiale et l’AfDB.
Depuis 2019, et encore en 2023, le compte courant devrait être excédentaire. Il sera principalement alimenté par les envois de fonds des expatriés, qui entretiennent un solde positif du compte des transferts. L’excédent continuera de se réduire néanmoins, en raison d’une hausse des importations de biens et de services, en réponse au stimulus pré-électoral, ainsi que d’un repli du cours des métaux et minéraux (~30% des exports en 2021). Le compte des revenus primaires restera déficitaire du fait des rapatriements de profits des entreprises étrangères. Malgré l’excédent du compte courant, la position extérieure est fragile en raison des faibles entrées et des sorties clandestines de capitaux. Bien que l’allocation DTS ait permis de reconstituer les réserves de change, elles restent très faibles (moins de 2 mois de couverture d’importations). La banque centrale maintiendra sa politique restrictive au moins jusqu’aux élections, ce qui, conjugué à la non-monétisation du déficit, devrait apaiser la dépréciation du dollar local et l’inflation au S1. Ajoutés à l’émission de pièces d’or, cela permettra de la réduire sans l’endiguer.
2023, année d’élections : un risque d’instabilité accru
Le président Emmerson Mnangagwa est arrivé au pouvoir suite à la « transition assistée par l’armée » de novembre 2017 qui a forcé Robert Mugabe à la démission après plus de 30 ans au pouvoir. Malgré sa victoire et celle du ZANU-PF (au pouvoir depuis l’indépendance) aux élections générales de 2018, il continue d’être fragilisé par un climat social et politique tendu. Entretenues par les crises économiques à répétition, les tensions pourraient s’intensifier à l’approche des élections présidentielles et législatives de 2023. Même si les conditions économiques devraient continuer de s’améliorer en 2023, manifestations et grèves devraient continuer d’éclater. Néanmoins, Emmerson Mnangagwa et le ZANU-PF, bénéficiant du contrôle sur les principaux leviers du pouvoir et s’appuyant sur les communautés rurales (70 % des voix en 2018), demeurent les mieux placés. Un processus électoral perturbé ralentirait la stratégie de réengagement international.