Une croissance soutenue par des projets d’infrastructure ambitieux
L’économie devrait enregistrer une légère accélération en 2025 et 2026. L’exploitation minière jouera un rôle clef, avec 15 nouveaux projets d’ici 2027. Plus précisément, l’extraction de minerai de fer a démarré début 2025 sur le site de Grand Zambi, à Bipindi, et les premières exportations sont attendues au cours du second semestre. L’extraction de bauxite à Minim Martap devrait commencer en 2026. Ces projets, menés respectivement par un investisseur camerounais et un investisseur australien, sont accompagnés de la construction d’infrastructures de transports, notamment ferroviaires et routières. Toutefois, l’incertitude découlant des tensions commerciales pourrait affecter négativement les projets. La production de gaz naturel liquéfié (GNL) devrait croitre de 23% rien qu’en 2025, grâce à l’augmentation de l’extraction depuis la plateforme Sanaga 2 et l’expansion de l’usine flottante de liquéfaction Hilli Episeyo. En revanche, la production pétrolière devrait diminuer en raison du vieillissement des gisements et de l’insécurité dans les régions anglophones qui retarde le développement de nouveaux champs. L’agriculture contribuera également à la croissance, la production de cacao, de café et de coton devant augmenter dès 2025, en lien avec la construction d’usines de transformation. Ces développements sont encouragés par les autorités, notamment à travers l’achèvement de la seconde phase du port en eau profonde de Kribi et le branchement début 2025 de la centrale hydroélectrique de Nachtigal. Ces réalisations s’inscrivent dans la Stratégie Nationale de Développement 2020-2030 (SND-30), qui vise à industrialiser l’économie par une logique de substitution aux importations et de création de grands parcs industriels. De plus, des mesures fiscales ont été prises pour améliorer le climat des affaires, notamment des baisses d’impôts pour les PME et les grandes entreprises, ainsi que des incitations à l’emploi des jeunes. Les dépenses publiques, notamment dans la perspective de l’élection présidentielle d’octobre 2025, viendront temporairement renforcer la croissance, bien que la consommation publique devrait ralentir après le scrutin. La hausse des droits de douane américains sur les produits camerounais (annonce d’un tarif de 11% en avril 2025) aura un impact direct faible, les exportations vers les Etats-Unis ne représentant que 3.6% des exportations totales en 2024. De plus, le Cameroun exporte majoritairement des marchandises exonérés (pétrole brut, bois, or). En revanche, l’impact indirect de la guerre commerciale pourrait être plus important à travers, notamment, la baisse de la demande mondiale pour les matières premières.
Une baisse de l’inflation est observée, liée à l’appréciation du franc CFA par rapport au dollar et à la baisse du prix des denrées alimentaires et de l’énergie. De plus, la guerre commerciale pourrait entrainer un excédent d’offre mondiale, et des importations à bas prix, notamment d’Asie, pourraient inonder le marché domestique. En 2025 et 2026, l’inflation devrait progressivement se rapprocher du taux cible de 3% de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Ce ralentissement de l’inflation, observé dans toute la région, ainsi que le souci de soutenir la croissance et les conditions de liquidité, ont conduit la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) à baisser son taux directeur à 4,5% au premier trimestre de 2025. Une baisse supplémentaire est attendue à la fin de 2025. Ce relâchement monétaire va encourager la consommation privée et l’investissement.
Une consolidation budgétaire sous l’égide du FMI
Accompagné par le FMI, le gouvernement a poursuivi sa politique de consolidation budgétaire. Un effort sur plusieurs fronts – concédé en échange de 835 millions de dollars de financements sur quatre ans accordés en 2021 – combinant à la fois une optimisation des dépenses courantes de l’Etat et une hausse des recettes publiques, encore trop faibles, pour alléger le poids de la dette dans le PIB, qui devrait continuer de porter ses fruits même après la fin du programme (juillet 2025). Côté recettes, cela passe par l’augmentation des recettes non pétrolières grâce à l’élargissement de l’assiette fiscale, la réduction des exonérations, l’amélioration des administrations fiscales et douanières, ainsi que la création de nouvelles taxes (notamment sur les transferts d’argent et de nouveaux tarifs spécifiques pour les vols internationaux hors CEMAC). En revanche, les recettes pétrolières continueront à diminuer en raison de la baisse des prix et de la production de pétrole. La loi de finances 2025 prolonge aussi le programme de divulgation volontaire jusqu’à fin 2026 pour lutter contre la fraude fiscale. En matière de dépenses, la consolidation budgétaire passe par une maitrise des dépenses de fonctionnement, notamment via une modération de la croissance des salaires publics et du recrutement, ainsi qu’une baisse des subventions aux entreprises publiques. En outre, le gouvernement prévoit de supprimer progressivement les subventions sur les produits pétroliers mais compte les maintenir au moins jusqu’à l’élection. Leur coût devrait toutefois rester modéré grâce à la baisse des cours. En parallèle, les dépenses sociales devraient augmenter, le gouvernement souhaitant augmenter le nombre de ménages vulnérables qui reçoivent des transferts sociaux de 180 000 à 210 000 sur la période 2025-2027. Les dépenses en biens et services, qui incluent également les dépenses électorales, vont également augmenter. Malgré tout, le déficit restera faible, tandis que le FMI qualifie la dette publique de soutenable.
Pour ce qui concerne les comptes extérieurs, la balance courante, structurellement négative, devrait voir son déficit augmenter en 2025 et 2026. La diminution de la production et du prix du pétrole pèsera sur les recettes d’exportation. La hausse des cours du cacao et la croissance de la production de fer et de GNL ne pourront compenser. Par ailleurs, les efforts d’agro-industrialisation dans les filières café et cacao peineront à produire les résultats escomptés, la production demeurant largement en deçà des objectifs fixés par le gouvernement. En outre, la demande de biens et services importés restera conséquente, en lien avec le développement du secteur extractif et des infrastructures publiques. Le déficit sera principalement financé par des IDE liés principalement à l’extraction. Les réserves de change resteront confortables (environ 4 mois d’importations).
Une succession présidentielle repoussée par les élections
Sur le plan politique, Paul Biya, président depuis 1982 et âgé de 92 ans, est candidat à un huitième mandat lors de l’élection du 12 octobre 2025, sous la bannière du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC).. Cela ne fait que prolonger les interrogations autour de sa succession, toujours en suspens et source majeure de risque politique. L’absence d’une opposition forte ne laisse place à aucune incertitude quant à sa réélection, mais son âge et son état de santé fragile laissent à penser qu’il ne sera pas en mesure de terminer un nouveau mandat de sept ans. En l’absence de succession claire, cela risque d’affaiblir son parti, le RDPC, et de déclencher une lutte pour le pouvoir. L’armée pourrait alors profiter de cette instabilité pour organiser un coup d’Etat. Face à Biya, l’opposition, muselée, peine à exister d’autant que les députés se sont entendus pour repousser d’un an les prochaines élections législatives – traditionnellement boudées – qui devaient se tenir en mars 2025, et ce dans le but de limiter la concurrence à l’encontre de Biya pour la présidentielle.
Par ailleurs, les autorités peinent à contenir les insurrections séparatistes dans les régions anglophones (Sud-Ouest et Nord-Ouest) ainsi que les attaques terroristes (Boko Haram et Etat Islamique) dans la région de l’Extrême Nord, frontalière du Tchad, du Nigéria et de la République centrafricaine.
À l’international, le Cameroun entretient toujours de solides relations avec la France, partenaire politique et économique historique. La Chine continuera d’être un partenaire économique majeur par la présence croissante de ses entreprises dans le BTP, l’extraction du fer et l’agriculture, notamment, mais aussi par les prêts soutenus par l’Etat chinois pour les projets d’infrastructure. De plus, en juin 2025, elle a annoncé la suppression totale des droits de douane sur les exportations provenant de 53 pays africains. Sur le plan sécuritaire, Yaoundé maintient ses liens avec la Russie, en renouvelant en 2022 sa coopération militaire pour cinq années supplémentaires. Les Etats-Unis refusent, pour l’instant, de réintégrer le Cameroun dans l’AGOA (African Growth Opportunity Act), dont il est exclu depuis 2019 pour atteinte aux droits de la minorité anglophone. Cela lui permettrait de bénéficier d’un accès préférentiel au marché américain. La décision d’exclure le Cameroun du programme sera toutefois réévaluée en septembre 2025, pour autant que ce programme soit reconduit.