Une croissance résiliente malgré le ralentissement économique continental
La hausse des prix des produits de base et intermédiaires importés a nettement ralenti l’activité en 2022. En 2023, la croissance résistera relativement au ralentissement américain. Premièrement, du côté de la consommation domestique (81% du PIB en 2020), la reconduction des subventions aux ménages de l’électricité et des carburants amortira la nette décélération des remises des expatriés (20% du PIB, plus de 90% provenaient des Etats-Unis en 2022) et la hausse du chômage (7,6% de la population active en 2022).
Deuxièmement, concernant les exportations (18% du PIB en 2021), la demande mondiale tirera les productions de café (26% des exportations totales en 2021), d’huile végétale (6%) et d’or. En effet, seules les productions des maquinadoras en équipements informatiques (18%), en crevettes d’élevage (12%), en bananes et en melons (8%) reculeront en raison de conjonctures étatsunienne (49% des exportations en 2021) et centroaméricaine (18%) moins favorables. Troisièmement, la dépense publique devrait augmenter suite aux travaux de reconstruction imputés à l’ouragan Julia (409 millions d’USD de dégâts dans le pays fin 2022) et aux projets du nouveau gouvernement d’infrastructures éducatives et sanitaires. Enfin, l’investissement privé ne devrait que légèrement progresser compte tenu de l’insécurité toujours élevée.
Une dégradation du compte courant, une poursuite du désendettement
En 2022, la position extérieure du pays s’est améliorée en raison d’un afflux important de remises d’expatriés. En 2023, le déficit courant se creusera. Premièrement, le ralentissement régional diminuera les exportations de biens, alimentant le déficit commercial. Deuxièmement, la balance des services demeura déficitaire. En effet, l’insécurité limite les retombées touristiques de la mise en service en 2021 de l’aéroport de Comayagua. Troisièmement, la balance des transferts verra son excédant érodé par la baisse des transferts de fonds des expatriés. Par ailleurs, le flux d’IDE (au moins 3,5% du PIB en 2022), en particulier dans le secteur minier, et les financements multilatéraux solderaient le déficit. Les réserves de la banque centrale (au moins 6 mois d’importations fin 2022) seront suffisantes pour maintenir la parité glissante du Lempira à l’USD (1 Lempira = 0,41 USD fin janvier 2023).
L’augmentation des dépenses courantes (10% du PIB en 2022) pour contenir l’inflation creusa le déficit public en 2022. En 2023, l’effort budgétaire sera limité. Les objectifs de la loi de responsabilité fiscale prévoyant un retour à 1% de déficit primaire ne seront pas atteints. D’une part, le ralentissement de l’activité et de nouvelles exonérations d’impôts diminueront les déjà faibles rentrées fiscales. D’autre part, les dépenses publiques augmenteront. Les subventions aux ménages sont reconduites (subvention à 50% du carburant et de l’électricité). Les dépenses en capital croîtraient au bénéfice des secteurs éducatifs et des programmes sociaux. Elles pourraient s’étendre à la reconstruction d’équipement de télécommunication et routiers en cas de nouveau cyclone. Le besoin de financement public sera couvert par les prêts multilatéraux (FMI, Banque mondiale, CABEI) et les émissions domestiques. Par exemple, le 25 novembre 2022, la CABEI a octroyé au pays un prêt (0,7% du PIB en 2022) pour financer les mesures de soutien aux ménages. Enfin, principalement extérieur (51% du stock de dette publique en 2022), l’endettement demeurera majoritairement concessionnel et soutenable à court-terme. Souhaitant restructurer la dette publique, l’administration Castro poursuit des négociations avec le FMI depuis 2022. Tout nouvel accord comporterait une restructuration de l’entreprise publique d’électricité (ENEE), déjà recommandée en 2019 lors du dernier programme du Fonds (Facilité de crédit de 773 millions de USD). En outre, le service de la dette demeurera stable (plus de 3% du PIB prévu en 2023).
Des désaccords entre l’exécutif et le Congrès, un état d’exception
La confortable victoire (51% des voix au premier tour) de Xiomara Castro du parti Libre (parti de gauche), lors de l’élection présidentielle de novembre 2021 a marqué la fin de quatre décennies de pouvoir pour le Partido Nacional (parti de centre droit). Elue pour 4 ans, elle s’est attelée à lutter contre le narcotrafic. En effet, son administration a obtenu l’extradition vers les Etats-Unis, en avril 2022, de l’ancien président Juan Orlando Hernandez, pour trafic de drogue et d’armes. En février 2022, la présidente Castro a également demandé à l’ONU la mise en place d’une commission internationale contre l’impunité au Honduras. Par ailleurs, face à l’intensification de la guerre des gangs (les maras), l’état d’exception et la suspension de certaines libertés fondamentales ont été décrétés le 6 décembre 2022 jusqu’au 20 février 2023, au moins. Cependant, sans majorité au Congrès (le parti présidentiel y dispose de 51 sièges sur 1228), les réformes fiscales et sociales de l’exécutif pourraient être bloquées ou amoindries, perpétuant le sous-investissement public. Ce contexte politique et social tendu accroît le flux de migrants vers les Etats-Unis. L’administration Biden pourrait octroyer de nouvelles aides en échange d’un meilleur contrôle de l’émigration.