Chimie

Asie-Pacifique
Risque élevé
Europe centrale et de l'est
Risque élevé
Amérique Latine
Risque élevé
Moyen-orient et Turquie
Risque élevé
Amérique du Nord
Risque moyen
Europe de l'Ouest
Risque élevé

Résumé

Points forts

  • Chaînon essentiel de nombreuses filières industrielles (automobile, construction, agroalimentaire, pharmacie…)
  • Capacité d’innovation : secteur à forte intensité en recherche et développement
  • Les besoins de la transition énergétique et le développement de la chimie circulaire offrent de nouvelles opportunités
  • Cycles de marge différenciés : la chimie de spécialité est moins sensible aux mouvements du cycle

Points faibles

  • Forte intensité énergétique, vulnérabilité des marges aux cours de l’énergie
  • Vulnérabilité des chaines d’approvisionnement aux perturbations du trafic maritime et aux barrières commerciales
  • Besoin en investissement conséquent pour conserver sa compétitivité
  • Un environnement réglementaire plus strict oblige les producteurs à revoir leurs modèles commerciaux
  • Compétitivité mondiale hétérogène
  • Chimie de base particulièrement sensible aux cycles économiques mondiaux

Evaluation des risques sectoriels

Dans le contexte de ralentissement économique mondial anticipé cette année (croissance du PIB mondial projeté à 2,2% contre 2,7% en 2024), l’environnement dans les principaux secteurs-clients de la chimie s’annonce difficile. En particulier, la reprise du secteur manufacturier demeure incertaine pour 2025. L’accélération des commandes en anticipation de l’entrée en vigueur des barrières douanières a soutenu le secteur en début d’année. Mais la faiblesse de la demande observée ces dernières années et la détérioration de la confiance des entreprises en lien avec la guerre commerciale devraient freiner une reprise vigoureuse de la production manufacturière. Aussi, la reprise du secteur de la chimie devrait être modérée en 2025 ; les marges des entreprises pourraient commencer à se redresser au cours de l’année, les chocs de la pandémie et de la crise énergétique ayant été en grande partie absorbés. Mais les entreprises du secteur seront soumises à des défis importants dans les différents segments, que ce soient les risques géopolitiques, les évolutions technologiques et réglementaires, ou encore le développement de nouveaux pôles concurrentiels. Les entreprises européennes, affectées par des coûts de production élevés et une régulation stricte, ainsi que, dans une moindre mesure, les entreprises américaines, doivent faire avec une concurrence accrue de la Chine et du Moyen-Orient dans un contexte de surcapacités mondiales et d’émergence de nouveaux pays producteurs.

Perspectives économiques du secteur

De nouvelles capacités asiatiques, s’ajoutant à une offre excédentaire, pèsent sur les marges des entreprises pétrochimiques

Sur le marché pétrochimique européen, la faiblesse de la demande et la concurrence accrue ont engendré une surcapacité de production, qui, combinée à un prix élevé du gaz, a contribué à la diminution des marges. En 2023 et 2024, plusieurs fermetures d’usines et suppressions de postes ont été annoncées aux Pays-Bas, en Allemagne et en France. Si le cours du pétrole devrait diminuer, avec le baril de Brent que l’on estime s’établir en moyenne à 65 USD en 2025, les coûts de production liés à l’utilisation du naphta, dérivé du pétrole et principal intrant en Europe et en Asie, resteront plus élevés que ceux liés à l’éthane. En outre, le prix du gaz européen, qui est utilisé par certaines installations flexibles, demeurera relativement élevé. Ces facteurs limiteront la compétitivité de l’éthylène européen. Une reprise forte de la demande à court terme étant peu probable, les entreprises du secteur devraient donc continuer à réduire les taux de production des craqueurs ou à se repositionner vers des marchés plus compétitifs comme celui des biocarburants.

Parallèlement, les États-Unis et l'Arabie Saoudite, producteurs d’hydrocarbures, continueront de voir leurs activités pétrochimiques croître. Alors que les États-Unis sont un acteur établi de l’industrie, l’Arabie Saoudite accélère la diversification de son économie dans le cadre du plan Vision 2030 avec des investissements massifs dans cette filière. Outre l’Arabie Saoudite, d’importantes capacités supplémentaires sont attendues au Moyen-Orient, avec, par exemple, l'inauguration, début février 2025, d'une nouvelle usine aux Émirats Arabes Unis et l’avancement du complexe Al-Faw en Irak et du projet Ras Laffan au Qatar. Aux Etats-Unis, les exportations d’éthylène seront soutenues par l’extension du terminal d’exportation d’Enterprise Products Partners. Une augmentation de la demande globale pour le polyéthylène pourrait soulager légèrement la surproduction aux États-Unis, qui réservent 50 % de leur production à l'export. Toutefois, sans une croissance significative de la demande intérieure ou l'ouverture de nouveaux marchés, les exportateurs américains pourraient continuer de surproduire et subir des pressions sur leurs marges.

L'Asie, à commencer par la Chine (mais aussi l’Inde, la Corée du Sud et le Japon) continuera de dominer la croissance du marché pétrochimique, portée par une augmentation des capacités qui viendront s’ajouter à une offre excédentaire persistante au niveau mondial. De nouvelles capacités en éthylène pousseront à la baisse les importations de cette zone. Cependant, l’hypothèse d’une reprise de la demande chinoise reste incertaine, en raison des défis structurels de cette économie, notamment une crise du logement persistante, qui limite l’investissement immobilier et l’activité dans le secteur de la construction. Les stocks élevés de certains produits pourraient entraîner des ventes à prix réduits, affectant davantage les profits des entreprises.

Afin d’anticiper et de s’adapter à une augmentation de la réglementation environnementale, les entreprises du secteur de la chimie devrait graduellement évoluer vers des alternatives de matières premières non fossiles et des procédés de production plus efficaces, comme l'utilisation de la capture et du stockage du carbone (CCS). Néanmoins, certaines installations, comme les craqueurs à base d’éthane, sont plus propices à cette transition que d’autres. Ces divergences pourraient s’ajouter à un manque de coordination globale en matière de réglementation et générer des coûts de transition inégaux pour les entreprises pétrochimiques.

Une reprise équilibrée du marché des fertilisants

La reprise de la consommation pour toutes les catégories d’engrais (azotés, phosphorés et potassiques) devrait se poursuivre. En 2024, les prix des engrais potassiques et azotés sont restés attractifs par rapport aux cultures, contrairement aux engrais DAP (Di-Ammonium Phosphate), dont l’accessibilité financière s'est détériorée par rapport aux prix des cultures (maïs, soja notamment). Bien que les prix des engrais soient relativement stables depuis septembre 2024, ils demeurent supérieurs aux niveaux d'avant la crise énergétique.

En 2025, les prix des fertilisants azotés devraient baisser grâce à une augmentation des capacités de production. L'ammoniac, en particulier, bénéficiera d’une nouvelle capacité de 1,3 million de tonnes sur la côte américaine du Golfe du Mexique. Tandis que les incitations fiscales de l'IRA, sous réserve de leur maintien par l’administration américaine, pourraient continuer de stimuler les investissements dans l'ammoniac bleu et vert. Bien qu’il ne puisse pas desservir le marché européen en raison des sanctions prévues par la Commission européenne à l’encontre de la Russie, le nouveau terminal d'exportation d'ammoniac, situé au port de Taman en mer Noire et opérationnel depuis fin 2024, contribuera également à soutenir l'offre mondiale.

La production et les exportations de phosphate devraient également connaître une hausse notable, grâce notamment à de nouvelles capacités en Arabie Saoudite, devenue en quelques années un acteur majeur, et au Maroc, qui détiendrait environ 70 % des réserves mondiales. En parallèle, la transition vers les véhicules électriques, via les batteries lithium fer phosphate (LFP), continuera d'augmenter la demande pour les ressources finis de phosphate, concurrençant les besoins de l’industrie des fertilisants. Le marché des DAP est également impacté par une disponibilité restreinte, en raison des restrictions d’exportations chinoises, ainsi que d'une augmentation progressive de la demande pour les besoins agricoles.

Enfin, la demande devrait rester positive sur le marché de la potasse, notamment grâce à la Chine et au Brésil, qui importent presque entièrement leur consommation. Une hausse de la production des acteurs historiques devrait pouvoir y répondre, avec le Canada, où la mine d'Esterhazy a atteint sa pleine capacité en 2024, et les exportations en provenance de Russie et de Biélorussie, qui malgré les sanctions occidentales, ont pu augmenter les expéditions vers l'Asie et l'Amérique du Sud. Des augmentations de capacité sont également attendues au Laos, qui ambitionne, grâce à ses réserves importantes, de devenir le troisième producteur mondial avant 2040. Il pourrait ainsi répondre à la demande asiatique, notamment grâce au réseau ferroviaire Laos-Chine.

Une relance timide de la demande des secteurs-clients

Comme pour les autres segments, les marges brutes des entreprises de la chimie de spécialité étaient encore très faibles en 2024. En 2025, il est peu probable qu’elles diminuent davantage, mais il est possible que la reprise tarde à se matérialiser. En effet, la demande de l’industrie automobile, secteur clé pour la chimie, pourrait pâtir du ralentissement des ventes de véhicules électriques, qui utilisent une proportion importante de produits chimiques de spécialité. De plus, les perspectives du secteur automobile sont assombries par la guerre commerciale. Une baisse des prix dans les secteurs-clients pourrait contraindre les producteurs de la chimie de spécialité à en faire de même. Toutefois, la demande du secteur des peintures et revêtements pourrait amorcer un redressement, soutenue par le besoin croissant en matériaux performants et par le rebond du secteur de la construction, alimenté par la baisse des taux d'intérêt. À plus long terme, la chimie de spécialité devrait également bénéficier des besoins en produits chimiques pour les semi-conducteurs.