Une croissance portée par le tourisme et la consommation
Face à une économie peu diversifiée et une émigration provoquée par la pauvreté, le gouvernement s’efforce de promouvoir un système social protecteur. Cela devrait bénéficier au pouvoir d’achat des ménages en 2023. Si l’inflation importée est logiquement apparue en 2022 après l’invasion de l’Ukraine, la consommation (75% du PIB prévu en 2022) étant alimentée par des importations élevées de biens, des mesures (suppression des cotisations maladies employés [4% du PIB], hausse du salaire minimum de 250€ à 450€/mois) ont fortement rémunéré le facteur travail, avec un chômage en baisse continue. En 2023, un maintien des réductions sur l’électricité ainsi que des hausses prévues des pensions famille et vieillesse devraient favoriser les dépenses des ménages.
En parallèle, la construction reste un moteur de la croissance. Une portion de la route entre le port de Bar et la frontière serbe a été mise en service en 2022 au moyen d’un prêt de 1 milliard par l’Eximbank chinoise. Visant à mieux connecter le pays avec son voisin et premier partenaire commercial, la Serbie, l’achèvement de ce chantier n’est toutefois pas financé et a d’ores et déjà évincé d’autres projets, en raison de la dette élevée de l’Etat. Cependant, les commandes du secteur sont portées par les besoins en infrastructures et hébergements des stations balnéaires. Longtemps vu comme potentiel, l’existence d’hydrocarbures en mer n’a toujours pas été confirmé par des forages d’exploration menés en 2022. La dépense publique devrait donc se maintenir à un niveau élevé (45% du PIB) à court terme. L’instabilité politique jusqu’aux élections législatives désincitera probablement aux efforts d’assainissement, notamment dans des entreprises publiques inefficaces bien qu’occupant une part importante dans l’économie.
Concernant les exportations, l’aluminium devrait se maintenir à des cours élevés, limitant la baisse des volumes attendue avec le refroidissement européen. Quant au tourisme, l’absence des voyageurs russes (25% des entrées en 2019) n’a toutefois pas entravé la reprise post-pandémique du secteur portée par les visiteurs occidentaux, reprise qui devrait continuer de s’étendre avec l’amélioration des infrastructures.
Un déficit extérieur élevé mais stable malgré l’inflation
Poursuivant ses efforts de convergence afin d’intégrer l’Union Européenne (UE), Pristina affronte un retard dans la diversification de son économie et une inefficacité persistante de l’Etat, ce retard se payant par un niveau encore élevé des dettes extérieures et publiques. Appliqué depuis début 2022, le programme Europe Now inclut dans son volet fiscal le remplacement des flat taxes par un impôt sur le revenu des personnes physiques et morales progressif ainsi qu’une amélioration de la collecte effective. Malgré un déficit élevé, l’Etat ne risque toutefois pas le défaut grâce à des financements à long terme et la protection de change offerte par l’euro. A 90% externe, la dette publique correspond pour 56% à des eurobonds et des prêts de banques étrangères, et pour 17% à un prêt de l’Eximbank chinoise.
Structurellement déficitaire, en raison du déficit commercial vertigineux, la balance courante devrait se stabiliser sur un plateau élevé en 2023 sous les effets adverses d’une hausse des revenus du tourisme, d’un côté, et d’une baisse relative des remises des expatriés (11% du PIB) et du renchérissement des importations, de l’autre. Requérant toujours des IDE massifs, notamment dans l’immobilier touristique, pour financer ce déficit, le gouvernement élu sur un programme anti-corruption n’a pas concrètement dépassé la contradiction, des responsables proches du premier ministre Abazovi? étant accusé de contrebande de cigarettes en octobre 2022.
Tiraillements politiques entre Serbie, UE et politique interne
Après trente ans de pouvoir de Milo ?ukanovi? du Parti démocratique socialiste (DPS), les élections législatives de 2020 marquent une première alternance. Ayant capitalisé sur le rejet de la corruption, les partis unis dans l’opposition se sont toutefois déchirés au pouvoir, le gouvernement Krivokapi? finissant renversé en février 2022. Il est remplacé par un gouvernement minoritaire dirigé par Abazovi?, à son tour désavoué en août lors d’une motion de défiance du DPS en lien avec les biens de l’Eglise serbe et contraint à l’expédition des affaires courantes. L’élection présidentielle, dont le second tour a eu lieu le 2 avril, a été remportée par Jakov Milatovi?, co-fondateur du parti Europe Now, avec 60% des votes, face au président sortant, Milo ?ukanovi?, suite à une alliance avec les candidats des autres partis, Aleksa Be?i? du Montenegro Democratique, et Andrija Mandi? de Nouvelle démocratie serbe. Jakov Milatovi? s’est engagé à combattre la corruption, à améliorer les standards de vie des habitants et à renforcer les liens avec l'Union européenne et la Serbie. Avant le premier tour, en mars 2023, ?ukanovi? a dissout le Parlement : des élections législatives sont prévues pour le 11 juin 2023. Ayant échoué à transformer sa motion en succès aux élections locales d’octobre, le parti socialiste (DPS) n’est plus assuré de reformer une majorité, laissant présager une poursuite de la recomposition politique.