Les taux d’intérêt élevés menacent l’activité
En 2022, la croissance est restée soutenue, stimulée par les retombées positives de l’allègement des mesures de confinement et par les prix élevés des matières premières, à commencer par ceux de l’énergie. Les effets de l’inflation et de la hausse rapide des taux d’intérêt ont néanmoins commencé à se faire sentir en fin d’année et devraient pénaliser davantage l’activité en 2023. Ils affecteront la contribution de la consommation privée (environ 55 % du PIB). En effet, les ménages canadiens seront particulièrement vulnérables à la hausse des coûts d’emprunts compte tenu de leurs niveaux d’endettement très élevés. Cependant, l’épargne accumulée pendant la pandémie (environ 12 % du PIB), un marché de l’emploi encore robuste au tournant de l’année (5,0% de chômage en décembre 2022), une modération attendue de l’inflation au premier semestre et la croissance de la population associée au dynamisme de l’immigration permettraient de maintenir leur dépense à flot. L’investissement résidentiel, qui a déjà souffert de la hausse des taux d’intérêt en 2022, continuera probablement de se contracter. La construction devrait en subir les répercussions en 2023.
En revanche, en dépit de l’environnement de taux adverse, les prix élevés des matières premières, la transition énergétique et les projets d’infrastructure permettraient à l’investissement privé de rester résilient. Les matières premières énergétiques et agricoles (blé) continueront à soutenir la croissance des exportations, mais les perspectives d’activité morose aux Etats-Unis devraient peser sur celles de biens manufacturés. Les gouvernements provinciaux et fédéral veillant à ce que la politique budgétaire ne s’oppose pas à la politique monétaire stricte, la contribution de la consommation publique sera très limitée. Après avoir rehaussé son taux d’intérêt directeur de 425 points de base entre mars 2022 et janvier 2023, la Banque du Canada devrait le maintenir à 4,5% en 2023. Alors que les prix de l'énergie, des denrées alimentaires et des produits importés devraient diminuer, cela devrait permettre de contenir les tensions inflationnistes.
Une gestion prudente des finances publiques
A la faveur du bond des prix des matières premières, de la reprise de l’activité et de la réduction des aides associées à la pandémie, le déficit budgétaire s’est fortement réduit en 2022. Il devrait rester faible en 2023/24, le gouvernement fédéral ayant indiqué sa volonté de faire preuve de prudence budgétaire. Dans le contexte d’inflation, les mesures de soutien au pouvoir d’achat ciblent essentiellement les ménages les plus modestes. Les dépenses devraient également viser à stimuler l’investissement dans les technologies propres, à l’image de la création d’un crédit d’impôt spécifique et de la proposition de lancement d’un Fonds de croissance. Si le service de la dette devrait augmenter, elle restera inférieure à 2 % du PIB. En matière fiscale, une nouvelle taxe de 2 % sur les rachats d’action devrait être présentée à l’occasion du budget 2023/24 et contribuer à la hausse des recettes. Celles-ci devraient toutefois progresser plus lentement, à mesure que l’activité ralentit. Si le ratio de dette brute des administrations publiques est très élevé, en déduisant, notamment, les actifs détenus par le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec, celui de la dette nette (47 % du PIB) reste inférieur à ceux de ses pairs du G7. De plus, il devrait rester sur une trajectoire descendante.
Le compte courant se creuse légèrement
Après s’être fortement réduit au cours des deux dernières années dans le sillage d’une balance commerciale devenue excédentaire, le déficit courant devrait s’élargir quelque peu en 2023. La modération des prix des matières premières, particulièrement ceux de l’énergie, devrait notamment se traduire par une détérioration de la balance des marchandises. Dans un contexte de taux d’intérêt plus élevés, le déficit du compte des revenus devrait également se dégrader. Les dépenses des voyageurs canadiens à l’étranger contribueront de nouveau à un déficit du compte des services. Le déficit du compte des transferts restera plus anecdotique. Les achats d’actifs financiers canadiens par les non-résidents devraient amplement financer le déficit. La dette extérieure, largement privée (environ 80 %), est encore lourde (environ 125 % du PIB), mais devrait se stabiliser.
La stabilité du gouvernement Trudeau renforcée par l’accord avec le NPD
Justin Trudeau (parti libéral), Premier ministre depuis novembre 2015, a conservé son poste suite aux élections fédérales anticipées de septembre 2021. Celle-ci ont débouché sur la formation d’un gouvernement minoritaire (158 sièges sur 338) et des rapports de forces inchangés par rapport à l’élection de 2019. Alors qu’aucun gouvernement minoritaire n’a exercé un mandat complet, un « accord de soutien et de confiance » signé avec le Nouveau Parti Démocratique (NPD, 25 sièges) en mars 2022 pourrait assurer le maintien du gouvernement de Justin Trudeau jusqu’en octobre 2025. En vertu de cet accord, le NPD mené par Jagmeet Singh appuiera les principales initiatives du gouvernement et, en retour, celui-ci fera avancer les priorités du NPD, à commencer par les programmes de soins dentaires et d'assurance-médicaments. L’accord, non-contraignant, est toutefois fragile. Des désaccords, particulièrement en matière de politique sociale, pourraient le remettre en cause. Le premier ministre serait, alors, réticent à déclencher de nouvelles élections anticipées, la popularité de son parti s’étant érodée au bénéfice du parti conservateur dans le contexte d’inflation élevée. Principal parti d’opposition avec 117 sièges, il est mené par Pierre Poilièvre, élu en septembre 2022, pour tenter de consolider cet avantage jusqu’à la prochaine échéance électorale. Les sources de frictions entre les échelons fédéral et provincial de gouvernement restent vives. Le gouvernement fédéral s'est, par exemple, heurté aux gouvernements conservateurs des provinces de l'Alberta et du Saskatchewan, qui estiment que les politiques fédérales de lutte contre le changement climatique ont un impact négatif sur l'industrie pétrolière et gazière. Les désaccords sont également réguliers avec la province francophone du Québec.
Marquées par quelques tensions sous le mandat de Donald Trump, les relations avec les Etats-Unis semblent plus calmes avec l’administration Biden. Des divergences subsistent, néanmoins, en matière de politique énergétique et commerciale.