Inflation et resserrement monétaire freinent l’activité
Après une vive reprise de la croissance, l’activité a décéléré en 2022, pâtissant de l’inflation et des taux d’intérêts élevés. En 2023, la croissance fléchira davantage, ces facteurs continuant à peser. Si l’inflation devrait poursuivre la modération observée au cours de la seconde moitié de l’année dernière, elle restera vraisemblablement supérieure à la cible de 2% de la Réserve fédérale (Fed). Celleci, après avoir rehaussé son taux directeur de 425 points de base en 2022, poursuivra au premier trimestre un cycle de resserrement monétaire inédit depuis plus de 40 ans. La fourchette cible des taux de la Fed pourrait y être relevée de 75 points de bases supplémentaire pour atteindre 5,00% 5,25%. Les taux demeureraient à ces niveaux restrictifs tout au long de l’année 2023. En conséquence, la consommation des ménages (68% du PIB) se modérera. La répartition des dépenses devrait continuer à s'orienter vers les services au détriment des biens, qui avaient bénéficié de la pandémie. Aussi, l’industrie manufacturière pourrait en souffrir. Toutefois, une certaine atténuation de l'inflation, l'augmentation des soldes de cartes de crédit et la désépargne pourraient contribuer à maintenir la dépense des ménages à flot, ce qui permettrait d'éviter (de justesse) une récession.
Cependant, le taux de chômage devrait augmenter par rapport au faible niveau de 3,7 % enregistré à la fin de 2022, ce qui pourrait les pousser à constituer une épargne de précaution. De plus, l’investissement sera également contraint par l’environnement de taux élevés. Malgré une trésorerie des entreprises encore confortable fin 2022, leurs dépenses d’investissement seront freinées. L’investissement résidentiel devrait, lui, poursuivre sa contraction. La chute du marché immobilier se traduira par un affaiblissement des activités de construction en 2023. Les programmes d’investissements (infrastructure, transition écologique, production de semiconducteur) adoptés par l’administration permettront, contrairement à 2022, une (modeste) contribution positive de la dépense publique. En outre, un dollar fort et le contexte économique mondial morose limiteront la contribution des exportations nettes.
La charge de la dette s’alourdit
La réduction des dépenses pour répondre à la crise de la COVID19 et la hausse des recettes fiscales ont participé à la large réduction du déficit budgétaire fédéral en 2021/22. S’il devrait continuer à se réduire, le déficit budgétaire restera élevé à l’issue du prochain exercice. Le Congrès divisé et l’inflation élevée devraient encourager une certaine prudence budgétaire. Dans ce contexte, la dépense publique sera tirée par l’exécution des programmes d’investissement adoptés par l’administration du président Joe Biden fin 2021 et 2022. La charge de la dette (1,8% du PIB en 2021/22) devrait également continuer à grimper, les rendements des bons du Trésor américain ayant déjà augmenté en réponse à la hausse des taux d’intérêts de la Fed. Les autorités ne devraient néanmoins pas rencontrer de difficultés à honorer le service de la dette, le pays bénéficiant d’une souplesse de financement sans équivalent grâce à son statut d’émetteur de l’USD, la principale monnaie de réserve mondiale. Le plafond de la dette devra vraisemblablement être relevé par le Congrès au premier semestre. Le risque d’un défaut s’il ne parvenait pas à un accord existe, mais il reste très limité.
En 2023, le déficit courant restera important, principalement alimenté par celui, structurel, de la balance des marchandises (4,7 % du PIB en 2022). Il devrait toutefois se modérer, les importations de marchandises ralentissant en même temps que la demande domestique. Les exportations de gaz naturel liquéfié vers l’Europe resteront dynamiques, mais, les ventes à l’étranger devraient pâtir du dollar fort et de l’environnement économique mondial. La normalisation du transport international devrait se traduire par une légère amélioration de l’excédent du compte des services (0,9% du PIB). Le solde positif des revenus primaires (0,7 % du PIB) devrait légèrement s’améliorer, les recettes d’intérêts et de dépôts sur les actifs américains à l’étranger augmentant. Le déficit des transferts restera stable autour de 0,6% du PIB. L’attractivité des actifs américains et de l’USD génère des investissements en portefeuille (bons du Trésor, actions…) permettant de financer le déficit.
Un Congrès divisé limitera l’action de l’administration Biden jusqu’en 2024
Le démocrate Joe Biden est devenu président en janvier 2021, après une transition tumultueuse, marquée par l’assaut du Capitole, le 6 janvier, par des partisans de son prédécesseur, le républicain Donald Trump. Après un plan de relance massif, l’American Rescue Plan (mars 2021), le président a pu faire avancer ses priorités au Congrès avec un plan d’infrastructures (Infrastructure Investment and Jobs Act), de transition écologique (Inflation Reduction Act) et de soutien à la production de semiconducteurs (CHIPS Act). La marge de manœuvre de son administration devrait néanmoins être limitée au cours de la seconde moitié de son mandat.
En effet, si les Démocrates ont gardé une courte majorité au Sénat (51 sièges sur 100), le contrôle de la Chambre des Représentants a basculé en faveur des Républicains (222 sièges sur 435) suite aux élections de mimandat de novembre 2022. L’environnement politique restant très polarisé, les opportunités de compromis seront restreintes. A l’approche des échéances de 2024, à commencer par l’élection présidentielle, les luttes internes au sein des partis devraient également s’intensifier. Côté républicain, Donald Trump a déjà annoncé sa candidature, mais elle pourrait se heurter à plusieurs obstacles. Il est notamment visé par plusieurs enquêtes criminelles. De plus, la concurrence incarnée par le gouverneur de Floride Ron DeSantis s’est consolidée suite aux élections de mimandat. Côté démocrate, les doutes entourant une nouvelle candidature de Joe Biden subsistent en raison de son âge (82 ans en 2024). En dépit d’une popularité terne, les résultats des élections de 2022 ont toutefois renforcé sa candidature.
Sur le plan de la politique extérieure, la priorité s’est tournée vers la Russie suite à son invasion de l’Ukraine. Les EtatsUnis ont coordonnée leurs sanctions à l’égard de la Russie avec leurs partenaires occidentaux et de l’OTAN, particulièrement en Europe. Ces actions s’inscrivent dans l’effort de l’administration Biden visant à renouer avec une approche multilatérale et à réengager les relations avec les partenaires traditionnels. Dans le même temps, les tensions avec la Chine demeurent élevées, notamment sur les questions litigieuses des pratiques commerciales chinoises et de la protection de la propriété intellectuelle. De plus, la compétition technologique s’est intensifiée, à l’image des restrictions imposées sur les exportations de technologies associées à l’industrie des semiconducteurs.